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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 11:06

suite des articles précédents

 

Nul n’est prophète en son pays


Son culte excite d'abord les railleries, et il doit châtier les filles d'Argos (Argos est le cyclope que tua le dieu Hermès) près d'Éleuthère, ainsi que Penthée, roi de Thèbes, pour cela. Les femmes d’Argos devinrent folles et se mirent à dévorer leurs nourrissons car elles n’exaltaient pas convenablement Dionysos. Les sœurs Agavé, Ino et Autonoé, tuèrent Penthée, le fils d'Agavé, lors d'un délire dû à Dionysos. Le dieu exigeant frappe également de folie, pour la même raison, les trois filles de Proétos (Lysippé, Iphinoé, Iphianassa) – mais elles furent heureusement guéries par un nommé Mélampous ! – ainsi que les Minyades, filles du roi d’Orchomène en Béotie, Minyas, au nombre de trois : Leucippé, Arsinoé et Alcathoé.


 « Le retour de Dionysos chez lui à Thèbes, s'est heurté à l'incompréhension et a suscité le drame aussi longtemps que la cité est demeurée incapable d'établir le lien entre les gens du pays et l'étranger, entre les autochtones et les voyageurs, entre sa volonté d'être toujours la même, de demeurer identique à soi, de se refuser à changer, et, d'autre part, l'étranger, le différent, l'autre. » (Jean-Pierre Vernant, « Dionysos à Thèbes », dans « L'univers, les dieux, les hommes », p. 190).

 

Jésus à Nazareth connaîtra la même ingratitude !


Les apparitions


dionysos_et_la_coupe_2.jpgDionysos est, avec Apollon, un dieu qui se manifeste par épiphanies : éternel voyageur, il surgit par surprise. Il se présente toujours comme un étranger, courant le risque de ne pas être reconnu (comme nous venons de le voir à Thèbes). À la fois vagabond et sédentaire, il représente la figure de l'autre, de ce qui est déroutant, déconcertant, anomique.

 

Dionysos avec ses attributs : pomme de pin, lierre, coupe à boire, peau de panthère noué autour du cou


Les gens de cette époque étaient habitués à des visites de dieux ou à des apparitions d’êtres surnaturels. A Lystres, en Asie mineure (en Lycaonie de l'époque), Paul guérit un impotent " ... la foule s'écria, en lycaonien : "Les dieux, sous forme humaine, sont descendus parmi nous !" Ils appelaient Baranabé Zeus et Paul Hermès, puisque c'était lui qui portait la parole. Les prêtres du Zeus-de-devant-la-ville [car son temple était en dehors des remparts] amenèrent au portail des taureaux ornés de guirlandes, et ikls se disposaient, de concert avec la foule, à offrir un sacrifice" (Ac, 14, 11-13) A Malte, lorsque Paul se débarrasse d’un serpent sans en être piqué, les gens présents pensent tout de suite que c’est un dieu (Ac, 28, 1-6). Le même Paul nous dit que pas moins de 500 disciples à la fois virent Jésus après sa mort (1 Cor 15, 5) et les évangiles en relate plusieurs lieux d'apparitions : à Jérusalem au tombeau et au Cénacle, à Emmaüs, et en Galilée, sur une montagne puis au bord du lac de Tibériade.


Une existence sur terre


Dans le panthéon grec, Dionysos est un dieu à part : c'est un dieu errant, un dieu de nulle part et de partout. Bien qu’il fasse partie des douze Olympiens (mais pas dans toutes les listes), il ne vivait pas sur le mont où régnait Zeus et sa famille. Ses aventures sont multiples parmi les humains et les épisodes ravissaient les auditeurs. Mieux, il a des qualités humaines de compassion et de pardon : lui qui fut pourchassé par la cruelle Héra, l’épouse jalouse de Zeus, on le voit négocier la libération de celle-ci auprès du dieu des forgerons Héphaïstos qui l’a prise au piège.


Jésus, même remonté au ciel dans la mythologie chrétienne, vaut toujours pour son ministère public que relatent les évangiles. Sa nature humaine a d’ailleurs été toujours affirmée par les tenants mêmes du dogme trinitaire, contre les docètes (pour qui son séjour sur terre ne fut qu’une apparence au sens platonique du terme) : pleinement Dieu par ses origines et par sa résurrection, il est aussi pleinement homme !


Le solstice d’hiver


Alors qu’Apollon règne comme un soleil au firmament, et se fête en conséquence au solstice d’été, Dionysos est « en bas », sur terre. Par opposition à Apollon, il est fêté au solstice d’hiver.
« Il semble qu'à l'époque pré-olympienne, son culte soit à rapprocher des cultes cosmiques liées à la période solsticiale, agro-lunaires et chtoniens. Dionysos est nommé Pyrigénès, Pyrisporos, « né ou conçu du feu », c'est-à-dire de la foudre. Son nom implique une filiation reconnaissable avec le dieu céleste indo-européen et on peut reconstituer dans sa naissance un mythe classique où la Terre mère Sémélé est fécondée par l'éclair céleste du dieu du ciel, Zeus » (Wikipedia se référant à Henri Jeanmaire).


Alors que les Dionysies se fêtaient au temps des vendanges, en octobre, les Anthestéries étaient une célébration solsticiale hivernale et la fête des morts. « Dionysos dépasse cette période dangereuse par la conquête de l'immortalité. Il est alors le dieu chthonien de l'hiver, complémentaire ou opposé à l'Apollon solaire. » (Wikipedia).

 

Il y avait aussi comme autres fêtes dionysaques, les Agrionies.

à suivre ...

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 06:17

suite de l'article précédent


Nous utilisons principalement dans cette note l’entrée consacrée à Dionysos de l’encyclopédie en ligne Wikipedia (lien).
 
Dionysos (en grec ancien Διώνυσος / Diốnysos ou Διόνυσος / Diónysos) est une divinité très ancienne. On voit sur un vase grec du V° siècle avant Jésus Christ la naissance du dieu, sortant de la cuisse de Zeus, conservé au musée du Louvres. Le décryptage par Michael Ventris et John Chadwick des tablettes en linéaire B découvertes dans les palais mycéniens révèlent que le nom de Dionysos figurait dans la liste des divinités grecques dès l'époque archaïque. La période alexandrine voit les légendes entourant la naissance et la vie de Dionysos s'élaborer en épopée (Henri Jeanmaire, Dionysos, histoire du culte, Payot, 1991).

Les légendes grecques le font naître d’une mère mortelle, Sémélé, laquelle est la fille du roi de Thèbes (au nord-ouest d’Athènes), Cadmos et d’Harmonie (celle-ci était la fille d’Aphrodite, la déesse de l’Amour, d’une relation adultère avec Arès, le dieu de la guerre). Des temples importants furent construits pour lui à Athènes (le théâtre de Dionysos), Éleusis (au nord-est d’Athènes), Smyrne et Éphèse en Asie mineure ; mais d’une façon plus générale, son culte était très diffusé à l’époque de la Grèce antique.

dionysos_dans_les_bras_de_silene.jpgSon culte est d’origine étrangère, en Asie mineure, ce que trahit le port du bonnet phrygien qu’il partage avec Mithra. Va dans le sens de cette hypothèse le fait que son culte utilisait la bière de céréale avant que d’utiliser le vin ; également qu’il soit selon les versions le dernier dieu de l’Olympe placé en douzième et dernière position, et sans y résider, comme s’il avait été coopté tardivement (une autre liste le met en 13ème position sur 14). La légende le fait d’ailleurs séjourner un temps en Thrace, c'est-à-dire, pour les Grecs en Asie. Afin d’être préservée de la furie jalouse et meurtrière d’Héra, le jeune bambin a été confié aux nymphes, sous la direction du vieux Silène, un satyre, sur le mont Nysa (ou Nyséion).

Silène portant Dionysos enfant, copie romaine d'un original du second classicisme, musées du Vatican.


Il a été adopté par les Romains sous le nom de Bacchus (du grec ancien Βάκχος / Bákkhos, un de ses autres noms), assimilé au dieu italique Liber Pater. Durant l'Antiquité, de nombreux peuples vivaient dans la péninsule à l’époque pré-romaine. Ces peuples n'avaient pas tous la même langue ni la même origine ethnique. Certains parlaient une langue italique (de peuples indo-européens apparus en Italie au IIe millénaire av. J.-C), d'autres grec, celtique, ou même des langues non indo-européennes. La classification des ethnies est souvent inconnue ou très disputée.

Certes, Dionysos n’est pas Jésus et inversement, mais il s’avère que, à plusieurs siècles de distance, leur destin est étonnamment comparable sur plusieurs points. Convertis au christianisme, on peut penser que les anciens sympathisants de Dionysos n’étaient nullement dépaysés au sein de leur nouvelle appartenance. pur eux, le passage c’est sans doute fait en douceur !

Une naissance divine
 

Dionysos est le seul dieu né d'une mère mortelle : dès Homère et Hésiode, il est présenté comme le fils de Zeus et de Sémélé, dont nous avons vu qu’elle était la fille du roi de Thèbes. Il est même né deux fois à la suite d’une légende mouvementée comme les Grecs en raffolaient : Héra, l’épouse légitime de Zeus, est furieuse de cette naissance et décide de se venger ; elle pousse la nourrice de Sémélé, Béroè, à conseiller à celle-ci de voir Zeus dans toute sa splendeur. Zeus consent à la demande de son amante, mais celle-ci meurt, étant enceinte, en voyant la foudre et les éclairs qui sont les attributs de ce dieu souverain de l’Olympe (Moïse avait aussi voulu voir IHVH et celui-ci l’avait épargné lors de son passage en mettant sa main devant les yeux de Moïse). Zeus sauve de justesse le nouveau né en le mettant dans sa cuisse, lequel renaîtra en en sortant *. C’est cette légende que représente cette peinture d’un vase grec du V° av. J.-C.

* d’où l’un des épithètes de notre héros, δίογονος / díogonos, « le deux fois né » ; d’où aussi notre dicton « être né la cuisse de Jupiter » pour désigner quelqu’un qui s’enorgueilli de son rang social de naissance, Jupiter étant ici le correspondant romain de Zeus. La cuisse peut être une désignation euphémique pour les organes sexuels (procédé courant, voir par exemple le français « bas-ventre »).

 

Dionysos_naissance.gid.gif

dionysos naissance 2

 

La mort de l'innocent et la manducation de son corps

 Pourtant Héra ne se contente pas de la mort de Sémélé et, apprenant la naissance de l’enfant, elle demande aux titans (Cronos, Océan, Japet, etc.) de se débarrasser du nouveau-né. Ceux-ci coupent donc Dionysos en morceaux et le font cuire dans une marmite. Certes, la légende ne dit pas expressément qu’il s’agit pas là d’une communion anthropophage, mais on ne peut s’empêcher d’y penser. Dans une version concernant Zagreux, une incarnation de Dionysos, les titans mangeront cru le dieu nouveau-né !

Même si la communion chrétienne est un acte symbolique, nonobstant le dogme de la transsubstantiation qu’affirme toujours l’Eglise catholique et qui équivaut à du cannibalisme rituel, on ne peut pas oublier l’insistance de l’évangéliste Jean, dans les années 90, pour nous dire qu’il s’agit du vrai corps de Jésus (Jn 6, 22-59) : les auditeurs de Jésus à la synagogue de Capharnaüm n’en reviennent pas « Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ? » (v. 52), mais Jésus confirme :

 

« Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dit : si vous ne mandez pas la chair du Fil de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est une vraie nourriture et mon sang est un vrai breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Comme le Père, vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, et celui qui me mange celui-là vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : non comme ont mangé les Pères et ils sont morts [allusion à la manne du désert que Dieu envoya aux Hébreux pour leur survie] ; qui mange ce pain vivra pour toujours » (v. 53-58).

Une résurrection
 
C’est la titanide Rhéa, épouse de Chronos et mère de Zeus, qui va sauver Dionysos : en un miracle, elle recolle les bouts du petit que les Titans avaient découpé et c'est ainsi que Dionysos passe au rang des immortels.

La descente aux Enfers


Désireux d'aller visiter sa mère aux Enfers, Dionysos demande l'aide d'un guide, le vieux Prosymnos, qui accepte de lui montrer le chemin en plongeant avec lui dans le lac de Lerne, qui communique avec le royaume d'Hadès. Ce plongeon est associé à de nombreux rites initiatiques en Grèce ancienne, généralement liés au passage de l'adolescence à l'âge adulte, et donc aussi aux amours entre un aîné (éraste) et un cadet (éromène). Prosymnos accepte ainsi d'aider le jeune dieu mais exige en échange que celui-ci, lorsqu'ils seraient de retour, lui accorde ses faveurs. Mais lorsque Dionysos revient des Enfers, Prosymnos, lui, est mort. Le dieu décide de tenir son engagement malgré tout : il taille un morceau de figuier en forme de phallus et s'acquitte de sa dette sur la tombe de son guide.

 La Septante ayant traduit le shéol des textes hébraïques par l’hadès : Pierre, lors de la Pentecôte, s’adresse à la foule de badauds et cite le psaume 16 avec référence au terme grec « … ma chair elle-même reposera dans l’espérance que tu n’abandonneras pas mon âme à l’Hadès et ne laisseras pas ton saint voir la corruption. Tu m’as fait connaître des chemins de vie, tu me rempliras de joie en ta présence » (Actes des apôtres, 2, 26-28)


La divinisation de la mère
 

dyonisos_zeus_et_semele.jpg

la mortelle Sémélé mourant en voyant son amant Zeus dans toute sa puissance

peinture de Gustave Moreau (1826-1898) :  "Jupiter et Sémélé"

 

Revenu des Enfers, Dionysos avait également arraché Sémélé, sa mère, au royaume des Ombres. Il la transporta sur l'Olympe, grâce à la déesse Hestia * qui lui cède sa place, où elle devint immortelle sous le nom de Thyoné.
* Hestia (la 14ème déesse de l’Olympe dans une version) est la fille aînée de Chronos et de Rhéa, et donc sœur de Zeus, Hadès et Poséidon ; elle est la déesse du foyer, protectrice des villes et des colonies.


Avec l’appellation de Théotokos (mère de Dieu) attribuée à Marie, mère de Jésus, avec l’Assomption (la Dormition chez les chrétiens orthodoxes), puis le dogme catholique de l’Immaculée conception, et d’une façon plus générale le culte marial, on assiste à une quasi divinisation de Marie, même si les catholiques se refusent à le dire.

à suivre

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 15:33

"Le christianisme dans le contexte des cultes à mystère : Jésus et Dionysos", par Jean-Claude Barbier, communication au Groupe "Religions" du Réseau d'échanges des savoirs (RES) de Gradignan-Malartic, séance du 19 septembre 2011.

 

Les noces de Cana, Jn 2, 1-11
Illustration : Les noces de Cana par Corinne Vonaech, acrylique 1997, vu sur le site de l’Ordre franciscain séculier de Sherbrooke, article de Sébastien Doane, bibliste à Montréal (Québec), 8 septembre 2009 « le vin : de la débauche à l’alliance avec Dieu » (lien).

noce-de-Cana.jpgSeul l’évangile de Jean parle des noces de Cana où Jésus, accompagné de ses disciples, et sa mère furent invités. Il convient donc de s’interroger sur cet inédit par rapport aux évangiles antérieurs.

 
Pour cet évangile, Cana est le bourg d’origine du Galiléen Nathanaël que Jésus vient de connaître lors de son séjour auprès de Jean-Baptiste à Béthanie, sur la rive Est du Jourdain, non loin de là où il se jette dans la Mer morte. Nathanaël lui a été présenté par Philippe, celui-ci étant originaire de Bethsaïde comme Simon-Pierre et André (ceux-ci étant frères). Jésus, ayant exprimé son désir de rentrer en Galilée après son baptême, on peut penser qu’il fit ce retour en compagnie de ces disciples galiléens de Jean-Baptiste dont il venait de faire la connaissance.


L’itinéraire géographique a pu être le suivant : Jésus, avec ses nouveaux amis galiléens, passe à Nazareth où il rend visite à sa famille, puis il se rend à Cana, un peu plus au nord, avec sa mère et ses disciples, puis descend ensuite à Carpharnaüm, avec les mêmes « et ses frères » (Jn 2, 12). Cet itinéraire géographique s’inscrit dans ce qu’on appellera « la semaine inaugurale » : 1er jour, le témoignage de Jean ; 2ème jour, le baptême de Jésus ; le 3ème jour le recrutement des deux premiers disciples : André et le Disciple que Jésus aimait ; 4ème jour : recrutement de Simon-Pierre ; le 4ème jour, Jésus s’apprête à repartir pour la Galilée et recrute Philippe et Nathanaël * ; 7ème jour, à Cana car,  comme le précise une note de la Bible de Jérusalem, le 3ème jour mentionné en Jn 2, 1 est à compter après la rencontre avec Nathanaël.
* curieusement l’évangile de Jean ne parle pas du recrutement des fils de Zébédée, lesquels étaient pêcheurs du lac de Galilée à Capharnaüm comme Simon-Pierre, André et Philippe (quant à eux originaires de Bethsaïde ; Simon-Pierre habitait à Capharnaüm chez sa belle-mère que Jésus guérit).


Mais l’épisode fut-il historique ?  Provient-il des notes du Disciple que Jésus aimait ou bien fut-il un ajout du rédacteur final de l’évangile de Jean, que nous appellerons Jean l’évangéliste * ? - et non Jean l’apôtre ! celui-ci aurait été manifestement trop âgé à la date de rédaction – vers 90 – et en tout cas ne disposait pas du niveau culturel pour en être l’auteur.  On peut en effet s’étonner de plusieurs aspects de ce texte :


1 - Les évangiles synoptiques font allusion aux très mauvaises relations entre Jésus et sa famille : le fils aîné n’a pas repris l’atelier de son père, préférant les études auprès des rabbins pharisiens, ou encore s’absentant durant plusieurs années dans une cellule essénienne dans le désert de Judée, en tout cas célibataire à plus de 30 ans alors que tout Juif se doit de contribuer à la promesse de fertilité faite à Abraham. Or, Jean l’évangéliste veut nous faire croire à la belle unanimité familiale de la mère de Jésus et de ses frères l’escortant à Capharnaüm (2, 12), après qu’il eut été le héros des noces de Cana ; c’est vraiment trop idyllique pour être vrai !


2 – L’évangéliste Jean, nous dit dans ce texte que Marie a été au début du ministère public de Jésus, comme elle le sera jusqu’au bout au pied de la Croix (toujours lui seul, 19, 25-27). Or, dans les autres textes elle n’apparaît comme participante qu’après la mort de Jésus, dans la « chambre haute » qui sert de lieu de réunion aux Douze, lesquels ont été rejoints par la mère et les frères de Jésus (Actes des apôtres, 1, 13-14), puis elle disparaît des récits. On a là deux versions incompatibles ; mais Jean l’évangéliste rédigeant à Ephèse où préside la grande déesse mère Arthémis, on comprend qu’il ait eu besoin de valoriser la figure de Marie afin de concurrencer cette influence. La dévotion mariale, dont Luc jeta les prémices avec son Evangile de l’enfance, et que le Matthieu grec prolonge avec une généalogie de Jésus où l’Histoire sainte passe par les femmes  et où Marie est placée à la tête de la nouvelle lignée de croyants (les Nazôréens, les « sauvés »), se trouve ici largement confirmée. Mais nous somme là dans l’idéologie et non plus dans l’Histoire.


3 – Alors que les autres évangiles situent Capharnaüm comme ayant été la base opérationnelle de l’action de Jésus en Galilée, l’évangile de Jean s’attarde à Cana, certes une ville de Galilée, mais à l’intérieur des terres. Il y a les noces de Cana, puis, de nouveau de passage à Cana (Jn 4, 46-47) la rencontre avec un fonctionnaire royal (v. 46) / un officier (v. 49) de la bourgade et la guérison de son fils qui se mourait à Capharnaüm « Ce fut là un second signe accompli par Jésus à son retour de Judée en Galilée » (v. 54) *. Manifestement, Jean l’évangéliste utilise cette bourgade, qui est sur l’itinéraire entre la Galilée et Jérusalem, comme un contre poids par rapport à Capharnaüm ; de même qu’il insiste sur la présence de Jésus à Jérusalem lors des fêtes, en Judée chez ses amis de Béthanie (Marie, Marthe et Lazare) ou à Ephraïm lorsqu’il fallut trouver refuge après la condamnation à mort par le sanhédrin, et en Samarie avec la rencontre de la Samaritaine (là aussi relaté par Jean seul !).

Nathanaël se trouve ainsi tiraillé entre l’évangile de Jean qui met ainsi sa bourgade sur le boisseau et les évangiles synoptiques où il n’est pas même pas nommé, mais où il apparaît sous un autre nom, celui de Barthélémy.
* un centurion romain, selon Mt 8, 5-13, mais celui-ci se déplace lui-même à Capharnaüm pour faire sa demande auprès de Jésus ; pour Lc 7, 1-10, le centurion, ami des Juifs et qui avait fait construire la synagogue, lui envoie des Anciens et, sur ce, Jésus prend la route de Cana.


4 – Le miracle en question, la transformation de l’eau en vin, discrédite le texte dans sa lecture littérale. Alors que certaines guérisons dites miraculeuses peuvent recevoir des explications : exorcisme de gens qui se sentent possédés par des démons ou par le Diable, sortie de crise épileptique, sortie de coma, aide psychologique et effet de bien-être par contact physique, par un regard ou un geste compatissant, grâce à une parole compréhensive, un contexte fortement émotionnel, etc., les miracles inversant les lois de la Nature se heurtent par contre à l’incrédulité.
Michel Benoît (Dans le silence des oliviers, 2011 : 56-58), qui attribue ce passage au Disciple que Jésus aimait, veut à tout prix y trouver une explication plausible : Jésus, du temps où il avait pris la suite de son père, se trouvait en contact avec les élites juives hellénisées de Sepphoris  et de Capharnaüm en sa qualité de tâcheron intervenant dans les travaux de bâtiment. Il y vit comment on coupait le vin avec de l’eau, avant de servir, le vin brut n’étant pas consommable ; ce qu’il aurait fait à Cana.
Mais Jean l’évangéliste, lui, proclame haut et fort qu’il y a eu miracle et non seulement une fête populaire bien sympathique, à savoir un signe de Dieu. C’est la raison même du récit. Là aussi, il se différencie des évangiles antérieures. Alors que ceux-ci nous dressent un portrait de Jésus qui affirme progressivement sa messianité, qui interdit même qu’on en parle avant que son heure ne soit venue, l’évangile de Jean, par cette « Semaine inaugurale », proclame tout de go que Jésus est « l’agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde ». Les noces de Cana participent à cette glorification de Jésus avant même sa Passion : « Tel fut le premier des signes de Jésus. Il l’accomplit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (Jn 2, 11). Tout est déjà dit sur le rôle et le statut de Jésus dès les premières pages de cet évangile.


Dans le contexte d’Ephèse, à la fin du 1er siècle, où les cultes grecs sont prospères, Jean l’évangéliste héroïse les personnages. Marie est une grande dame qui préside au banquet de Cana avec vigilance et doigté ; et Jésus transforme l’eau en vin comme le fait le demi-dieu Dionysos. Les héros chrétiens sont aussi puissants que ceux des Grecs, capables eux aussi de prodiges  … Fils bien aimé, Fils unique de Dieu, en toute intimité avec le Père, avec son Père, récipiendaire de la Sagesse, du Logos, préexistant à la Création, Jésus est prêt à être divinisé. Ce sera chose faite avec les épîtres d’Ignace d’Antioche écrites vers 110 où, à plusieurs reprises, l’auteur affirme sans ambage que Jésus est dieu.


Bien entendu, pour que cela puisse s’opérer, il ne faut plus être dans la matrice juive caractérisée par le monothéisme. L’évangile de Jean peut encore recevoir une explication juive, entre autres à partir du livre d’Hénoch et des apocalypses juives (voir notre dossier « le Fils de l’homme » dans nos Etudes unitariennes, lien). Mais c’est la culture grecque qui a permis le basculement que représente la divinisation de Jésus. Alors que le Logos est du divin qui investit le prophète, et est donc dans le prolongement du prophétisme biblique, la divinité à part de Jésus, distincte, relève quant à elle du polythéisme en dépit des dénégations des apologistes chrétiens. La construction trinitaire aura à charge d’unifier cette nouvelle situation, ce qui donnera un seul Dieu en trois personnes (voir notre dossier sur « la Trinité est une triade indo-européenne » dans nos Etudes unitariennes, lien).


Avec l’évangile de Jean, les païens convertis au christianisme se trouvent en terrain culturel connu. Sans doute l’auteur n’avait-il pas l’intention de livrer un double langage, mais se sont en quelque sorte ses lecteurs hellénisés qui en ont décidé !

 

Voir aussi l’analyse de ce texte par Béatrice Spranghers, théologienne protestante, à qui nous sommes redevable : « Par delà Dionysos : Jésus, tel Dionysos, transforme l’eau en vin » , sur le siteProfils de libertés, le 12 août 2003 (lien)

à suivre ...

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 01:28

par Louis Cornu (suite des articles précédents)


1 - La dernière journée


Dans l’évangile de Jean, le récit du Disciple couvre les 24 heures, du jeudi soir au vendredi soir, apportant sur chaque fait des précisions irremplaçables : le lavement des pieds avant la cène, chez lui apparemment ; l’annonce de la trahison de Judas ; l’attente à Gethsémanie ; l’arrestation sous le contrôle de la cohorte romaine ; chez les Grands prêtres (le Disciple y est comme chez lui) ; le jugement de Pilate et ses péripéties ; la mort ; le coup de lance ; la mise au tombeau ; le retour chez lui et l’accueil de Marie, mère de Jésus, et sans doute d’autres Galiléens désemparés, dont Pierre.


2 – Dimanche 9 avril : le tombeau de Jésus est vide


Pierre_et_Disciple_au_tombeau.jpg

peinture de Henri Lindegaard : Pierre et le Disciple courant vers le tombeau de Jésus

 

On imagine facilement les disciples de Jésus réfugiés chez le Disciple, pleurant et prostrés au cours de ce triste samedi, pourtant joyeuse fête de Pâques pour les Juifs, les femmes se préparant à embaumer le cadavre dès l’aube du dimanche. Le dimanche matin, stupéfaction : le tombeau est vide ; telle est la nouvelle qu’apporte au Disciple, Marie de Magdala. Incrédule avec Pierre, il se précipite au tombeau, y arrive le premier mais n’y pénètre pas et attend Pierre, puis, avec lui, constate que c’est bien vrai : il n’y a plus de cadavre. Il signale : « comme ils n’avaient pas compris l’Ecriture qu’il devait se relever d’entre les morts, les disciples retournèrent chez eux ». L’explication de cette absence de cadavre, Marie de Magdala l’avait émise d’entrée : « on a enlevé le Seigneur de son tombeau » (Jn 20,2).


3 – Jésus se manifeste vivant


Le récit des apparitions dans l’évangile de Jean est le plus complet et le plus cohérent des 4 évangiles. Cet évangile témoigne de 3 apparitions. 1ère fois, le dimanche même de la Résurrection, dans le jardin où avait été creusé son tombeau, Jésus s’est montré à Marie de Magdala, puis le soir même, alors que les portes de la maison (celle du Disciple ) étaient verrouillées, Jésus est venu se présenter aux disciples ; Thomas était absent. 2ème fois, huit jours plus tard, au même lieu, Jésus se montre de nouveau aux disciples, et Thomas, cette fois-ci est là. 3ème fois, dans le cadre d’un « appendice » (après une conclusion de l’évangile en Jn 20, 30) qui raconte une apparition au bord du lac de Tibériade. Il est de nouveau question du Disciple, lui aussi présent : Pierre demande à Jésus quel sera le destin de ce Disciple (Jn 21, 20-23).

à suivre ...

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3 août 2011 3 03 /08 /août /2011 01:10

par Louis Cornu (suite des articles précédents).


C’est naturellement après le départ pour Ephraïm qu’il convient de situer le dernier périple de Jésus et son retour à Jérusalem pour la Pâque 30. Luc le raconte longuement (Lc 9, 51 ; 19, 28). Le Disciple n’en dit rien ; on peut en déduire qu’il n’y a pas participé. C’est donc à Luc que nous devons le récit des évènements survenus au cours de ce voyage de plusieurs semaines qui préparait la dernière étape de cette montée, celle de Jéricho à Jérusalem, le dimanche 2 avril 30. Bien entendu, le Disciple et les autres disciples de Jérusalem et de Béthanie attendaient ce retour avec appréhension car ils connaissaient le mandat d’arrêt lancé contre lui, mais Jésus, de son côté, faisait savoir qu’il serait à Jérusalem pour Pâque. De part et d’autre, il n’y aura donc pas de surprise, chacun a son plan. Les responsables religieux – le Disciple le sait bien, lui le familier de Caïphe – ont décidé de ne rien entreprendre contre Jésus au moment de la fête, alors que lui, Jésus, il entend provoquer l’événement à cette occasion.


chartres_jerusalem.jpgCet événement sera une entrée royale selon le scénario écrit par le prophète Zacharie (Za, 9, 9) qui sera effectuée le dimanche 2 avril. Jésus montera à Jérusalem avec une foule encadrée par les Douze, les disciples de Jérusalem et Béthanie jusqu’à Bethphagé. Il y aura sur place l’indispensable ânon de Zacharie. Puis le cortège s’ébranlera en direction de Jérusalem et du Temple, où la foule des pèlerins, enthousiastes il va de soi, assistera à l’entrée de son messie.

 

vitrail de la cathédrale de Chartres

 

Dans leurs récits, les synoptiques rendent assez bien compte de la concentration à Jéricho, de l’arrivée et de l’accueil chez Zachée (Lc 19, 1-10) et de la mise en route pour Jérusalem (Mc 10, 32-34). L’évangile de Jean ajoute un événement supplémentaire qui s’est produit le samedi à Béthanie. Grâce aux trois témoignages, chacun partiel, on voit comment les choses ont dû se passer : Luc l’arrivée, le vendredi (ou le jeudi) à Jéricho, avec la maison de Zachée comme gîte d’étape ; le Disciple une incursion à Béthanie, le samedi, et Marc raconte le départ de Jéricho, le dimanche.


Le Disciple a tenu à signaler l’incursion intermédiaire à Béthanie apparemment pour deux raisons : d’abord, il y a eu l’onction de Marie renouvelant son geste d’affection (déjà réalisé presque deux ans plus tôt) ; et puis, il y a eu surtout, ce jour là, auprès de Jésus, la présence de Judas, auteur d’une remarque désapprobatrice, blessante pour Marie … ce Judas, auquel le Disciple va vouer une détestation tenace. Selon toute vraisemblance, le Disciple était présent ce jour-là à Béthanie, comme il sera sans doute présent avec les disciples de Jérusalem, participant au cortège qui conduira Jésus au Temple de Dieu.
 

à suivre ...

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 15:58

par Louis Cornu (suite des articles précédents)


Selon les trois évangiles synoptiques, lorsque Jésus revient de la « haute montagne » de la Transfiguration (Lc 9, 28-50 ; Mc 9, 30-50 ; Mt 17, 24 à 18, 9) et regagne discrètement Capharnaüm avec les Douze, il s’est passé assez peu de temps depuis Pâque (19 avril 29) : un mois peut-être seulement. Dans la suite immédiate de leur récit (Lc 9, 51 ; Mc 10, 1 ; Mt 19, 1), Jésus amorcera sa dernière montée à Jérusalem pour la Pâque de l’année 30, huit ou neuf mois plus tard.


Ce qui s’est passé dans cet intervalle, les synoptiques n’en disent rien, mais grâce à l’évangile de Jean, nous retrouvons Jésus dès le mois d’octobre 29, un peu avant Soukôt (13 octobre) et nous connaissons les principales péripéties de son existence, depuis cette date jusqu’à la montée à Jérusalem : après hésitation, Jésus monte finalement à Jérusalem (Jn 7, 1-10) ; il y est présent lors de la fête de Soukôt (Jn 7, 11 – 10, 21) ; il y est également présent fin décembre lors de Hanouka (Jn 10, 22-38) ; il est menacé de mort et bat retraite outre Jourdain (Jn 10, 39-41) ; il revient à Béthanie pour Lazare qui esttombé malade (Jn 11, 1-44) ; il est condamné à mort par contumace et se retire à Ephraïm, une ville du nord de la Judée proche du désert. Tous ces évènements, ignorés des évangiles synoptiques, ne se sont pas produit en Galilée, mais en Judée et à Jérusalem, ou en région limitrophe, et c'est le Disciple qui les relate.


1 – le départ pour Jérusalem (Jn 7, 1-10)


La famille de Jésus va monter à Jérusalem, mais, lui, il hésite. Finalement, après tout le monde, il part discrètement. Rien ne permet d’affirmer qu’il se mette en chemin avec les Douze qui l’accompagnaient quelques mois plus tôt. Le Disciple n’a pas été témoin de cette troisième montée : il en saura les circonstances, informé plus tard, après Soukôt, sans doute par Jésus dont le séjour à Jérusalem se prolongea.


2 – Soukôt – Jésus présent à Jérusalem (Jn 7, 11 – 10, 21).


Il craignait le pire et, de fait, il s’en fallut de peu qu’il ne fût arrêté après avoir guéri l’aveugle-né. Sa popularité consécutive à cette guérison et l’intervention de Nicodème devant le sanhédrin lui valurent une protection efficace. Il ne fut pas inquiété et put séjourner à Jérusalem ou, plus vraisemblablement à Béthanie, dans une ambiance amicale, au milieu de disciples judéens de plus en plus nombreux et naturellement de plus en plus liés entre eux, dont les seuls nommément connus – outre le Disciple dont le nom est tenu secret – Lazare, Marthe et Marie (de Béthanie), Nicodème, Joseph (d’Arimatrée), Simon le Lépreux : c’est au cours des semaines qui suivirent que Jésus et le Disciple durent se rencontrer fréquemment et tisser des liens d’amitié réciproque. Jésus paraît avoir bénéficié alors d’une certaine tolérance de la part des autorités religieuses, peut-être sous la caution de Nicodème, de Joseph d’A. et d’autres notables éventuellement.


3 – Hanouka (Jn 10, 22-38)


Cette tolérance cessa lors de la fête de Hanouka (22 décembre 29). Jésus crut pouvoir affirmer son lien filial personnel avec Dieu, en des termes où ses auditeurs virent un blasphème ; ils furent sur le point de le lapider et cherchèrent à le faire arrêter. Jésus parvint à se dégager et se réfugia au-delà du Jourdain, en un endroit qu’il connaissait bien ; il y séjourna quelques temps, au début de l’année 30, avec des disciples – lesquels ? Le Disciple ne dit pas que ce fût précisément le groupe des Douze, constitué au printemps 29, mais sans activité repérable depuis plusieurs mois. Seul Thomas est nommé. Il ne semble pas que ce fût non plus les proches de Jérusalem et Béthanie, dont le Disciple, mais ceux-ci savaient où trouver Jésus en cas de besoin et pouvaient donc lui rendre visite discrètement. Il était alors en Pérée, mais en fait assez proche de Jérusalem, où le nombre de ses disciples ne faisait que croître. Les responsables religieux paraissaient se satisfaire, du moins provisoirement, de cet éloignement relatif et Antipas ne se souciait pas de l’appréhender : il avait d’autres sujets de préoccupation.


Bref, Jésus était en sécurité, entouré de disciples, dont Thomas et probablement quelques autres des Douze, rappelés auprès de lui ; ne les avait-il pas recrutés pour « être avec lui » (Mc 3, 13) l’année précédente, ses gardes du corps en quelque sorte.


4 - Jésus vient à Béthanie pour Lazare (Jn 11, 1-44)


Le Disciple relate avec précision cet évènement dont il a pu être témoin ; à cette occasion, nous avons la preuve que le Disciple et les trois de Béthanie étaient en relation assez étroites puisque le Disciple précise au passage que Marie, la sœur de Lazare, était cette femme qui, naguère, « avait oint le Seigneur d’une huile parfumée ». C’est dans Lc 7, 36-50 que nous trouvons le récit de cette anecdote ; Luc n’avait point donné l’identité de la « pécheresse ». A le lire, on avait pensé qu’il s’agissait de Maria de Magdala que Jésus avait exorcisée sept fois. Le Disciple est manifestement informé avec plus de précision : cela pourrait aussi indiquer que Lazare de Béthanie et ses sœurs étaient originaires de Magdala.


5  - Jésus condamné à mort par contumace (Jn 11, 45-57)


La "résurrection" de Lazare accroît aussitôt la popularité de Jésus et le nombre de ses adeptes, mais entraîna par réaction sa condamnation à mort à l’issue d’une séance du sanhédrin sous la présidence de Caïphe et, à peu près certainement, en présence de Nicodème. Jésus, absent, eut naturellement très vite connaissance de la sentence et se réfugia du côté d’Ephraïm. Le Disciple relate cette séance en soulignant le rôle et la responsabilité du Grand prêtre … que pourtant il n’accable pas. N’y aurait-il pas là un indice de ses relations étroites avec Caïphe ? Il dira plus tard qu’il « était connu de lui » (Jn 18, 15). Cette condamnation de Jésus devrait être datée du mois de février 30.


EphraimHighlited.jpg

le territoire du clan Ephraïm, au nord de ceux de Juda et de Benjamin. A l'époque de Jésus, il faisait partie de la Judée, laquelle était administrée directement par les Romains

à suivre ...

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 15:41

par Louis Cornu (suite des articles précédents).


Jn 6 – La campagne du printemps 29 se déroule essentiellement en Galilée, avec incursions en Décapole et, pour finir, en Syro-Phénicie et Gaulanitide (Césarée, sa région). Elle commence donc en avril 29 et se termine, selon toute vraisemblance, vers juin. Ses principaux épisodes, suivant le récit des synoptiques, sont : 1 – le lancement d'une campagne à partir de Capharnaüm (Mc 3, 10 – 6, 6 ; et parallèles en Mt et Lc) ; 2 – la mission des Douze : un succès total aboutissant à la multiplication des pains (Mc 6, 7-44 et parallèles en Mt et Lc) ; 3 – mais paradoxalement, l’échec de la campagne suivi d’errance (Mc 6, 45 et 8, 48 ; parallèles en Mt et Lc) ; 4 – puis une théophanie suivi d’une réévaluation (Mc 9, 1-50 ; et parallèles en Mt et Lc).


L’évangile de Jean intervient seulement pour éclairer le paradoxe à l’articulation de la phase 2 (qui est un succès) et de la phase 3 (qui est un échec). Sans lui, on n’y comprendrait pas grand chose. Grâce à lui, on sait que le succès débouchait sur une rébellion armée que Jésus parvint à éviter en proposant une alternative mystique – le discours de Capharnaüm (Jn 6, 22-59) – qui rebuta presque tous ses partisans, d’où l’échec.

 

Capharnaum_synagogue.jpg

la synagogue de Capharnaüm - de l’hébreu Kfar (village) et Nahum (compassion, consolation)

– datant de la fin du IVème siècle et reposant sur un bâtiment plus ancien (la synagogue du temps de Jésus ?).

 

Il se peut que le Disciple ait rejoint Jésus quelque part pendant que se déroulaient la mission des Douze, à laquelle il n’a pas participé, mais dont il aurait observé la phase finale, mais cela n’est pas certain car il se peut que les explications précises qu’il produit lui aient été fournies plus tard par Jésus lui-même. Quoiqu’il en soit, grâce à l’information qu’il est le seul à donner : « ils voulurent l’enlever pour le proclamer roi » (Jn 6, 15), l’échec paradoxal s’explique : on comprend comment une opération réussie, qui devait aboutir à une montée massive mais pacifique à Jérusalem pour Pâque, conduisit au fiasco et à la désillusion, pour finir par une réévaluation, positive malgré le tragique de l’étape finale entrevue.

à suivre

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 13:23

par Louis Cornu (suite des articles précédents).


Jn 5, 1-47. Cette deuxième montée de Jésus à Jérusalem, pour participer à la fête de Soukôt (l4 octobre 28), ne donnera lieu qu’à un séjour très court en raison de l’hostilité croissante des responsables juifs, dont de nombreux pharisiens du sanhédrin. Le Disciple eut quand même l’occasion de revoir Jésus, de le recevoir chez lui peut-être. L’évangile de Jn raconte l’essentiel de l’événement, dont il fut probablement témoin : la guérison d’un paralytique, un jour de sabbat à la piscine de Bethzatha, qui conforta la conviction des adversaires de Jésus. Il méritait la mort, non seulement pour avoir opéré cette action un jour de sabbat, mais surtout parce que se présentant comme le « Fils de l’homme », il s’octroyait une origine réellement divine (lien). Il se faisait l’égal de Dieu (Jn 5, 47).


C’est une accusation gravissime, un blasphème d’auto-déification. On ne s’étonne donc pas de voir Jésus s’éloigner rapidement de Judée, et il ne semble pas que le Disciple l’ait alors suivi en Galilée. Le fait qu’il revienne en Galilée montre à l’évidence qu’il n’estimait pas avoir à craindre quoi que ce soit de la part d’Antipas et donne à penser qu’alors le Baptiste était toujours vivant.


Il y revenait tout auréolé d’un surcroît de notoriété (Mc 3, 7-12), mais en même temps poursuivi par une hostilité accrue des pharisiens de plus en plus résolus à le faire mourir en raison de l’accusation, nouvelle, de blasphème. C’est avec cet objectif que ces derniers interviennent auprès des Hérodiens (Mc 3, 6 ; Mt 12, 14 ; Lc 6, 11).


herode et herodialeC’est alors l’automne 28, peut-être même la fin de automne. L’implication désormais hargneuse des pharisiens – pas tous, bien sûr -, et leur intervention qu’on devine pressante auprès d’Antipas va entraîner un double résultat. Tout d’abord, Antipas ne va plus pouvoir continuer son astucieuse protection du Baptiste. Il va devoir céder devant la détermination pharisienne alliée au ressentiment d’Hérodiate : la tête de Jean Baptiste va tomber.

 

Illustration - Hérode et Hérodiade dans le film Le Roi des Rois, 1961,
 

Par ailleurs la menace d’un sort identique pesant sur Jésus, surtout au vue de cette décapitation, celui-ci ne va plus pouvoir demeurer en Galilée sans risquer le pire. Il lui faut se mettre à l’abri et il va se retirer « à la montagne » (Mc 3, 13), nécessairement hors de Galilée, où d’ailleurs il n’y a pas de vraie montagne, donc plus vraisemblablement en Gaulanitude où l’Hermès dresse ses 2 800 m au dessus de Césarée et offre des pentes ensoleillées entre Césarée et Damas, assez proches de la Galilée (pour celles qui surplombent la région de Césarée). Voilà une région où Jésus peut avoir passé l’hiver 28-29, hors de portée de ceux qui en Judée, en Pérée, en Galilée, ont pour objectif de l’éliminer.


cate_palestine_herode_antipas.gif
Aucun des quatre évangies ne parle de cet hiver 28-29. Lorsque Jésus va reprendre l’initiative, la Pâque 29 (19 avril) sera proche (Jn 6, 4). Pendant cet hiver là, le Disciple, résident de Jérusalem, paraît bien n’avoir pas eu de contact avec Jésus. 

à suivr e ...

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 11:53

par Louis Cornu (suite des articles précédents)


jesus-est-baptise-b1568.jpg.jpgJn 3, 22-36. Comme il est devenu disciple de Jésus, le Disciple peut avoir participé à l’activité baptismale après Pâque, sous son autorité systématiquement ou épistolairement, si cette activité a duré quelques temps. Jean Baptiste, de son côté, sans doute avec d’autres disciples, continuait à dispenser son baptême, mais avec moins de succès que le groupe de Jésus. Qu’il y ait eu émulation entre les deux groupes n’entraîne pas que ce fut une concurrence querelleuse. Beaucoup plus vraisemblablement, dans un plan concerté de répartition des rôles. Jésus, le Messie attendu est désormais venu à œuvrer à proximité de Jérusalem, au cœur de la Judée, pendant que Jean Baptiste poursuivait sa véhémente prédication eschatologique au bord du Jourdain … et, comme il se doit ; orientait ses auditeurs vers Jésus, l’ « agneau de Dieu » précisait-il. On doit bien sûr qu’en plus de la généralisation de leur baptême – baptême nazôréen ou « baptême de Jean » (du ciel selon Jésus d’après Lc 20,4) – Jésus et Jean Baptiste, chacun de leur côté, développaient une identique prédication associée, celle du Baptiste exposée par Luc (Lc 3, 1-8).
 
 Cette campagne de baptême en Judée prend fin au bout de quelques semaines, assez logiquement, après le départ de Jérusalem, des pèlerins de Savouôt (19 juin 28), qui, libérant en quelque sort les autorités religieuses, leur facilite l’extrême rigueur contre Jean Baptiste, désormais moins entouré.


Voici ce qu’en dit l’historien Flavius Josèphe : «  … Jean , surnommé le Baptiste, était un homme de grande piété (…) beaucoup de gens, dans le peuple, le suivaient. Hérode Antipas craignant que son ascendant sur eux n’excitât quelque sédition (…), l’emprisonna dans la forteresse de Machéronte ». Antipas, en l’occurrence, n’aurait eu en vue que le maintien de l’ordre public, dont il était responsable devant l’Empereur, en Galilée et, outre Jourdain, en Pérée. Comme Jean Baptiste se tenait outre Jourdain, son arrestation en Pérée s’accorde bien avec cette logique.


Paradoxalement, l’évangile de Jean nous apprend que pour éviter le même sort que Jean Baptiste, Jésus se retire dans la Galilée d’Antipas : c’était, en quelque sorte, se précipiter dans la gueule du loup. Dans les circonstances où Jésus  prend cette décision, ce n’est pas Antipas qui est mis en cause, mais seulement les pharisiens en rapport avec le baptême (F. Joseph, il faut le noter, ne parle pas d’eux). Pour comprendre la logique du processus de la fin du Baptiste, il faut le voir à la lumière du processus qui conduira deux ans plus tard à la condamnation de Jésus : première mesure – une condamnation par le sanhédrin, sous la présidence du Grand prêtre, sur motifs politico-religieux ; deuxième mesure, deux mois plus tard, - utilisation du « bras séculier », Pilate, sur accusation de sédition.


Dans le cas de Jean Baptiste, en 28, il y eut très vraisemblablement une condamnation par le Sanhédrin – sous influence pharisienne – en rapport avec la généralisation par Jean Baptiste d’un baptême de type et d’esprit essénien. Par Nicodème ou par le Disciple, Jésus dut être rapidement informé de cette décision à laquelle Antipas n’avait pas participé, et qui ne l’aurait pas concerné si le Baptiste avait été arrêté par la police du Temple. Jésus, en Judée, risquait d’être appréhendé. Pour éviter cela, il se retira donc en Galilée précipitamment.


Ensuite, peut-être assez rapidement, comme Jean Baptiste était hors de portée de la police du Temple, les autorités religieuses durent demander à Antipas d’intervenir en faisant pression sur lui. Prince juif, celui-ci ne peut éviter de tenir compte d’une décision des chefs juifs de Jérusalem. Il se résoud donc à arrêter Jean, le mettant ainsi hors d’état de nuire, mais il le traite avec une relative aménité (Mc 6, 20). Pendant ce temps, Jésus va se mettre à parcourir la Galilée sans être inquiété. Il évitera d’ailleurs toute provocation car il ne pratiquera plus en public ce baptême « essénien » de Jean, qui inquiétait tant les autorités judaïques de Jérusalem.


C’est parce qu’il était parfaitement conscient de cela que Jésus avait fui la Judée précipitamment, par le plus court chemin : il avait traversé la Samarie par Sichem et il était arrivé à Cana. Il paraît bien que le Disciple fût du voyage car son récit est précis et circonstancié, mais il semble bien aussi qu’il soit revenu très vite dans sa ville, à Jérusalem, et qu’il n’ait donc pas participé à la première campagne d’annonce que Jésus entreprit rapidement en Galilée, dans les synagogues, après l’arrestation de Jean Baptiste (Mc 1, 14 ; Lc 4, 15). Cette campagne est racontée dans les synoptiques (Mc 1, 14 ; Mt 4, 17 ; Lc 4, 15). L’évangile de Jean, lui, n’en dit rien. Le Disciple n’aura donc pas assisté à la rencontre des disciples de Jean avec ceux de Jésus.


Privé de liberté, Jean Baptiste bénéficie donc d’un régime carcéral adouci : Antipas a plaisir à s’entretenir avec lui et, dans sa prison, il reste en contact avec ses disciples. Par ailleurs, il est déconcerté par la tournure qu’ont pris les évènements : alors que normalement Jésus, Messie attendu, devait s’imposer à Jérusalem, voilà qu’il se contente de vadrouiller en Galilée. Est-il vraiment le « messie qui doit venir » ? (Lc 7, 18-35). L’intervention du Baptiste auprès de Jésus en Galilée doit être située en 28, avant la fête de Soukôt (24 octobre 28) car Jésus va monter à Jérusalem pour cette « fête des Juifs » (Jn 5,1). Il n’est d’ailleurs pas encore, personnellement, l’objet de poursuite malgré l’affaire des marchands du Temple, malgré sa participation à l’activité baptismale publique de Jean et malgré l’hostilité pharisienne consécutive qu’il suppute.

à suivre ...

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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 11:15

par Louis Cornu (suite des articles précédents)

Jn 2, 13-21. La remarque finale de ce texte nous montre que nous sommes en présence du récit d’un fait dont les disciples ont parlé, plus tard, après la Résurrection et qu’alors une signification nouvelle leur est apparue, qui n’était pas celle venue à leur esprit au moment des faits.


« Le zèle de la maison de Dieu qui dévore … » est une référence trop automatique au psaume 69, 10, qui laisse dans l’ombre une autre référence prophétique, plus pertinente, en raison de son caractère eschatologique tout à fait conforme à la prédication du Baptiste (et de Jésus) à cette époque : Zacharie, 14, 21 : « En ce jour là [le jour du rétablissement définitif de la royauté universelle du Dieu d’Israël] il n’y aura plus de marchands dans la Maison de Dieu ».

 

20-COLETTE-ISABELLA-LES-MARCHANDS-DU-TEMPLE.jpg

Colette et Isabella "L'imagerie de la bible", conception et textes Emile Beaumont, images Colette David Isabella Misso - Editions Fleurus 15-27 Rue Moussorgski 75018 Paris.

 

Sommé de se justifier, Jésus avait répondu : « Détruisez ce temple [la Maison de Dieu], je le rebâtirai en trois jours ». Tous les auditeurs, adversaires et disciples, comprennent alors qu’il s’agit de la maison de Dieu à Jérusalem, l’édifice où ils se trouvent à cet instant et qui est en reconstruction depuis 46 ans en l’an 28.


Plus tard, après la Résurrection, c’est à cet élément – le Temple rétabli en 3 jours après destruction - auquel les disciples penseront à propos du corps ressuscité de Jésus, et cela d’autant plus facilement qu’une ré-interprétation de la parole de Jésus dans ce sens, leur paraîtra tout naturelle si Jésus était alors âgé d’environ quarante six ans. De fait, ce serait bien le cas, si Jésus avait près de cinquante ans au moment de sa mort, comme l’affirme Irénée de Lyon en se référant à une tradition apostolique transmise par « Jean l’Ancien et par d’autres apôtres » (ADV. HAER .II, 22,5).

à suivre ...

 

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