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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 03:12

Avec les missions de Paul, la rapide christianisation de l'Asie mineure (Ier et IIème siècle), la vitalité de la pensée des Pères grecs et latins, et le développement de la papauté romaine, on a souvent une vue déséquilibrée de l'expansion du christianisme en oubliant ce qui s'est passé vers l'Est. Or l'Eglise perse, de théologie nestorienne, fut la grande Église d’Orient qui compta à son apogée, au XIIIème siècle, plus de chrétiens que Rome et Byzance réunies.

eglise_perse.jpg

Carte publiée par La Croix.com du vendredi 4 janvier 2013 en rapport à la fête de l'Epiphanie, laquelle commémore la venue légendaire des mages d'Orient à Jérusalem. Les mages étaient des prêtres zoroastriens qui auscultaient les signes du ciel du haut des ziggourats.

 

Marco Polo (1254-1324) mentionna toutes les communautés nestoriennes qu'il rencontra lors de son voyage vers la Chine en suivant la route de la soie : "Il y a une race de gens qui suivent le loi chrétienne, mais non pas ce que commande l'Eglise de Rome, car ils se trompent en plusieurs choses. Ils sont appelés nestoriens. Ils ont un patriarche qu'ils appellent catholicos, et ce patriarche fait des archevêques et les évêques, les abbés et autres prélats, et les envoie partout prêcher, en Inde et en Chine ..." (cartouche au coin en bas et à gauche de la carte).

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 20:18

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Des villes, nous passons aux royaumes et aux empires. L'évêque de Rome devient "pape" sous l’empereur Constantin et en 380, l'empereur Theodose, successeur de Constantin, fait du christianisme une religion officielle ; l'Eglise orthodoxe byzantine épouseta le destin de la partie orientale de l’empire romain ; à l’est, le royaume d'Edesse accueille « officiellement » le christianisme au début du IIIème siècle (en 204, le roi Agbar IX se convertit) après avoir persécuté les premiers chrétiens en 57 (lien) ; le roi d'Arménie se fait baptiser en 314 et érige la nouvelle foi en religion d'Etat, puis fait supprimer les cultes païens (bien avant Théodose à Constantinople !) ; etc.

Cette dynamique est accentuée avec l’accueil des hérésies que ce soit par rapport à Rome (Carthage et le donatisme) ou par rapport à Byzance : les Goths sont évangélisés dans l'arianisme, l'Arménie, la Syrie et L'Egypte optent pour les thèses monophysites, la Perse islamisée reconnaît la seule Eglise d’Orient de théologie nestorienne, après la conquête arabe en 633 (lien), etc.

Lors des réformes protestantes luthérienne et calviniste, on retrouve le même principe : les fidèles adoptent la foi de leur souverain ! Les anabaptistes radicaux imposent aussi leur confession dans le cadre de la cité de Münster considérée par eux comme la nouvelle Jérusalem , voir notre article du 9 juin 2007 : « Les cages de l’église Saint-Lambert à Münster à l’usage des dictateurs religieux » (lien). Avant eux, les Hussites radicaux (les Taborites) avaient eu la même attitude en fondant la cité de Tabor en Bohème méridionale, en 1420.
 
A l’époque, les unitariens de la Transylvanie feront exception car, bien qu’en cour auprès de Jean II Sigismond (qui règne de 1560 à 1571), ils ne demanderont pas le monopole confessionnel : en 1568, la diète de Torda reconnaît la pluralité des cultes (il y avait alors des catholiques, luthériens, calvinistes, et unitariens)


Incidemment, Henri VIII, roi d’Angleterre, qui règne de 1509 à 1547, pourtant grand dévot vis-à-vis de la papauté mais pris de fringale sexuelle et voulant divorcer à tout prix, se sépare de Rome et se fait proclamer chef religieux d’une Eglise nationale, l’Eglise anglicane, le 11 février 1531.

 

En France, un courant gallican se développera plus tard au temps de Bossuet, mais n’aboutira pas, sinon une résurgence tardive en réaction contre le concile Vatican I (8 décembre 1869 au 20 octobre 1870) qui proclame le dogme de l’infaillibilité pontificale. Une Eglise gallicane existe aujourd’hui en France, avec siège patriarcale à Bordeaux, mais elle dispose de très peu de paroisses sur le territoire national et a connu de nombreuses dissidences et scissions liées surtout à des ambitions ou conflits personnels (nous recommandons son site qui est remarquablement bien documenté, lien).
 

En Chine, l’Eglise « patriotique » peut être rattachée à ces tensions nationalistes, sinon que ce sont surtout les autorités publiques qui, là, mènent le jeu. Le rapprochement est plutôt à faire avec l'Eglise anglicane née de la seule volonté d'Henri VIII.


Le patriarcat grec orthodoxe, dont le siège est toujours à Byzance devenu Istanbul après la conquête turque, va être soumis lui aussi aux tensions nationales. Le leadership est pris par le patriarcat de Moscou ; puis, au XIXème et XXème siècles, des patriarcats nationaux apparaissent en Serbie, Roumanie, Bulgarie, Grèce, Albanie, Ukraine (à Kiev, mais non reconnu par les autres), Chypre, Pologne, Tchéquie et Slovaquie, voir même aux Etats-Unis ! A la tête de ces entités, un patriarche ou un archevêque pour les patriarcats, et un archevêque pour les Eglises autonomes.

à suivre ...

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 19:36

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Il y a d’abord l’hégémonie régionale des communautés citadines du seul fait de leur plus grande taille : lorsque Paul envoie des épîtres à des communautés locales bien ciblées (chrétiens d’Ephèse, de Corinthe, de Philippe, de Colosses, de Thessalonique, de Rome), on devine l’importance des cités sur leur espace régional. A partir de Jérusalem, Pierre évangélise la Judée jusqu’à Césarée, et la Samarie avec le diacre Philippe et l’apôtre Jean. Antioche introduit à l’Asie Mineure, Damas à la Syrie, Alexandrie à l’Egypte, et Rome à tout l’empire. Au tournant de l’an 100, l’Apocalypse (1, 11) énumère « les sept Eglises » d’Ephèse « Ta vision, écris-la dans un livre pour l’envoyer aux sept Eglises, à Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée », et au-delà, puisque le chiffre 7 est symbole de la totalité du temps et du décompte, à savoir toutes les Eglises locales. Tout naturellement, cela introduit à une nouvelle fonction, celle des épiscopes, que sont nos évêques


Ces épiscopes (= surveillants) apparaissent seulement au IIème siècle ; et présenter Pierre à Rome, Marc à Alexandrie, Jean à Ephèse comme premiers évêques est un anachronisme. Ils sont élus par la communauté, ou du moins désignés d’une façon consensuelle. Ils ont le rôle de veiller à la transmission authentique de la Tradition et de lutter contre les dérives hérétiques (les Anti-christ que sont les gnostiques, les judéo-chrétiens restés … judaïsants, les promoteurs de sectes, etc.). Exemple d’Irénée à Lyon. Avec eux, on rompe avec le modèle juif qui repose seulement sur les Anciens réunis en collège de sages. Ici la direction de la communauté prend un visage individuel, un nom d’évêque, une liste de règnes.


Les épiscopes ne sont pas encore des évêques désignés par les princes, comme ils le seront après l’élévation du christianisme en religion d’Etat et la nomination ou la destitution d’évêques par le pouvoir politique. Ils sont en osmose avec leur communauté et sont élus. La tradition musulmane reprendra ce rôle : au sein des communautés musulmanes, l'imam est un enseignant et conduit la prière. Il est suffisamment lettré pour rappeler les préceptes coraniques. Mais il dépend de sa communauté comme dans le cas des pasteurs protestants.


Jérusalem, Antioche, Rome et Ephèse


Mais la prééminence "historique" va indéniablement à certaines villes. C’est sans conteste Jérusalem jusqu’à la chute de son Temple : c’est à Jérusalem que les débats nés à Antioche entre judéo-chrétiens et païens convertis trouvent leur solution ; Barnabé et Paul descendent précisément d’Antioche pour cela. On peut noter aussi l’aide d’Antioche, mais aussi des nouvelles communautés chrétiennes mobilisées par Paul, pour venir au secours de Jérusalem victime de la famille vers 48 (à cause entre autres à cause de l’année sabbatique 47/48 qui interdisait le travail de la terre correspondant à la jachère d’un an pour laisser reposer la terre, mais sans pratiquer une jachère tournante !). Puis ce sera Rome, avec l’arrivée des apôtres Pierre et Paul.


Enfin Ephèse rivalise avec Rome en se présentant l’évangile de Jean comme l’œuvre du témoin par excellence : à Pierre, la prééminence du chef reconnu, et à Ephèse le témoignage donné par le disciple que Jésus aimait. L’évangile de « Jean » se termine ainsi : « C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que vrai est son témoignage » (Jn 21, 24).


Ce disciple est avec André (le frère de Simon Pierre) lorsque le rabbi Jésus les appelle après son baptême reçu de Jean-Baptiste au bord du Jourdain (Jean seul 1, 35-40) et ce n’est que le lendemain que André contacte son frère pour lui dire qu’ils ont trouvé le Messie (v. 41).


C’est ce disciple qui, lors de la Cène, est penché (« couché » dit le texte) sur le sein de Jésus, et Pierre s’adresse à lui après que Jésus ait annoncé la trahison d’un des siens afin de connaître le nom du traître (Jean seul 13, 22-25). De même le disciple, jamais nommé, arrive en premier à la tombe que les femmes disent avoir trouvée vide (Jn 20, 3-9) ; étant plus jeune il court plus vite ! , il est le premier à voir les « bandelettes gisantes », mais s’efface alors devant Pierre qu’il laisse entrer en premier. Il est le premier à voir et à croire. L’évangéliste insiste « Alors entra aussi l’autre disciple qui était venu le premier au tombeau, il vit et il crut » (v. 8).

 

Quelques années auparavant (Luc dans les années 60, Jean dans les années 90), Luc (qui termine le récit de ses Actes des apôtres à Rome) n’avait mis en scène que Pierre. Marc, pourtant interprète de Pierre à Rome, n’en parle pourtant pas dans son évangile (la rédaction de celui-ci précède peut-être celui de Luc) ; quant au Matthieu grec (plus tardif que l’évangile de Luc), il n’en dit mot, sans doute parce qu’il reste plus centré sur les communautés judéo-chrétiennes et la diaspora vers Alexandrie et à l’est de la Syrie.


Enfin, ultime mise en scène entre le destin de Pierre (Rome) et celui du disciple que Jésus aimait (Ephèse) dans le récit des apparitions, toujours dans le seul évangile de Jean (Jn 21, 20-23) : Jésus vient d’annoncer à Pierre sa mort en croix, et Pierre demande ce qu’il en sera pour le disciple bien aimé.


Du temps même de Jésus, celui-ci aurait affirmé la prééminence de Pierre :


- lors de son recrutement, Jésus change son nom en Céphas, qui désigne une pierre (Jean 1, 42).
- la base du mouvement de Jésus est à Capharnaüm, chez Pierre.
- Pierre est toujours nommé en premier des Douze (dans les synoptiques et les Actes 1, 13) (voir par exemple Mt. 10, 1-4) ; son frère André avec lui ou après les fils de Zébédée que sont Jean et Jacques.
- Pierre porte l’épée pour protéger le groupe contre les bandits de grand chemin
- Pierre est le premier dans les professions de foi
- il est la pierre où l’Eglise sera bâtie : Matthieu grec 16, 18-19 – « Et moi je te dis : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux … »
- Pierre est le premier à refuser que Jésus envisage sa propre mort et se fait traiter de Satan !
- il refuse le lavement des pieds fait par son Maître (Jean seul 13, 6-10).
- à Gethsémani, Jésus demande à son trio (Pierre et les fils de Zébédée Jean et Jacques) de veiller avec lui. Non seulement Pierre est encore nommé en premier, mais c’est à lui que Jésus s’adressera en dernier (pour les reproches) « Simon, tu dors ? Tu n’as pas pu veiller une heure ? » (Marc 14, 37), également Matthieu, mais ni Luc ni Jean l'évangéliste n’accableront Pierre.
- le reniement de Pierre symbolise la fuite des disciples en déroute


Clément 1er, évêque de Rome, de 88 à 97 selon la chronologie d'Eusèbe de Césarée au IVe siècle, écrit une épître (vers 95) à l'Eglise de Corinthe où des jeunes ont contesté les presbytes de leur communauté. L’Eglise catholique y voit, à tort, l’affirmation de la papauté (laquelle viendra seulement plus tard), mais on a là assurément tout le poids de la grande ville, capitale de l’Empire, dont l’évêque peut parler avec plus d’assurance ! 

à suivre ...

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 17:31

par Jean-Claude Barbier, le 19 octobre 2009


Comment les communautés chrétiennes se sont-elles organisées ? Au début il n’y a pas Une Eglise avec ses paroisses et cellules de base, mais une myriades de petites communautés s’organisant elles-mêmes d’abord au sein du judaïsme, puis en marge et à l’extérieur. Comment ces communautés se sont-elles gérées, coordonnées mutuellement, ont affirmé leur unité ? L’ecclésiologie consiste à étudier la façon dont les Eglises s’organisent sous leur aspect social et juridique.


Le christianisme naissant emprunte tout naturellement au judaïsme de la diaspora son mode d’organisation : l'assemblée toute entière se réunit à l’initiative de ses « Anciens » pour prendre les grandes décisions ; elle est délibérante ; elle fait ekklesia, terme qui sera traduit par « Eglise », (« la multitude des croyants n’avaient qu’un cœur et qu’une âme » Actes 4, 32).


Au début, ce sont les Douze (devenus apôtres) qui jouent le rôle d’animateurs, d’arbitres pour éventuellement trancher avec sagesse les débats, de proclamateurs des décisions, d’exhortateurs. « Avec beaucoup de puissance [allusion aux miracles faits par eux], les apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient tous d’une grande faveur » (Actes 4, 33). C’est donc le groupe apostolique qui succède à Jésus et prend les affaires en main. Pierre en apparaît le leader incontesté, accompagné de Jean, le fils de Zébédée.


La jeune communauté judéo-chrétienne (appelée aussi les nazôréens), à Jérusalem (et non en Galilée) s’organise très rapidement : le remplacement de Judas à l’initiative de Pierre, afin que le collège des Douze soit complet (Actes 1, 15-26) ; la Pentecôte, où Pierre joue le rôle de proclamateur (Actes 2, 14) ; pour le service des tables avec des diacres (Actes 6, 1-6); plusieurs vendent leurs terres ou leur maison et les apportent aux pieds des apôtres pour une mise en commun (Actes 1, 34-35) ; pour convenir de l'évangélisation des païens (Pierre doit se justifier Actes 11, 1-18), de leur baptême (Actes 10, 44-48), puis, en 48-49 d’une dispense de circoncision et de certaines prescriptions mosaïques (Actes, 15).


Les décisions font donc l’objet de délibérations à l’invitation des leaders historiques. Il n’y a pas de vote, mais constat d’un signe de Dieu : tirage au sort pour remplacer Judas, ou transe de possession (les païens candidats au baptême sous l’action du saint-Esprit), ou par vision acceptée par la communauté (celle de la nappe descendue du ciel et pleine de victuailles afin de pouvoir manger avec les païens). La décision peut venir d’une délibération mais dans un climat de recueillement, de foi : le consensus pour désigner les diacres, ou encore l’arbitrage (Jacques, le frère de Jésus lors de la réunion de Jérusalem en 48-49), Lorsque Paul vient pour la première fois à Jérusalem, vers 39, il parle des « trois colonnes » de l’Eglise naissante que sont Pierre l’apôtre, Jean l’apôtre et Jacques le frère de Jésus.


Après le martyre de l’apôtre Jacques, le fils de Zébédée, en 43 ou 44, puis le départ de Pierre à Antioche (vers 49), C’est Jacques, le frère de Jésus qui prend la tête de la communauté de Jérusalem. Les apôtres (du moins Pierre) sont alors partis en mission. A son martyre en 62, c’est Siméon (de la famille de Jésus) qui lui succède, par consensus de la communauté (dont les disciples de la première heure). Le premier évêque d’origine païenne sera Marc (environ 135 à 155) après que l’empereur Hadrien ait eu, en 135, expulsé tous les Juifs de Jérusalem.


Dans ces premières communautés les leaders historiques qui ne sont pas élus, mais reconnus, à savoir les Douze institués par Jésus, mais également les membres de la famille de Jésus (Marie sa mère, son frère Jacques, puis Siméon qui succèdera à Jacques, etc.). Ailleurs ce sont les « anciens », ceux qui font preuve de sagesse du fait de leur âge ou encore parce qu’ils sont les fondateurs de la communauté.


Au sein de ces communautés, des fonctions se dégagent : le maître de céans qui héberge l’assemblée lors des cultes (donc qui est assez riche pour être propriétaire d’une maison), l'enseignant pour les catéchumènes, le docteur en théologie au sens juif du terme, l'apôtre qui évangélise (tous partiront en mission) et qui peut imposer les mains, le visionnaire, le prophète itinérant. Paul les énumère comme autant de charismes, ainsi que la Didaché (texte écrit entre 60-90, et qui est considéré comme texte apostolique).

à suivre ...

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 19:11

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« Il y a quelque chose de libéral dans les sentiments des nestoriens à l'égard des autres dénominations. Leurs rites religieux sont plus simples que ceux des autres Orientaux. Ils ont en horreur le culte des images, la confession auriculaire, la doctrine du Purgatoire, et ce n'est pas sans raison qu'on les a appelés les protestants de l'Asie. Mais l'ignorance et la superstition n'en règnent pas moins chez eux : à l'arrivée des missionnaires, le clergé seul savait lire et écrire ; l'éducation des femmes était totalement négligée, ils attachaient plus d'importance à l'observation des fêtes, des jeûnes et des autres cérémonies extérieures, qu'à la pureté du coeur et de la vie.

 

croix nestorienne utilisée par l'Eglise assyrienne

eglise_assyrienne_croix.JPGCependant la conduite exemplaire de quelques personnes donne à penser que la vraie piété n'y était pas entièrement éteinte. Ce qu'il y a de plus remarquable c'est qu'ils aient permis à des hommes [ndlr – il s’agit des missionnaires protestants], venus d'un pays dont ils avaient à peine entendu parler, d'ouvrir des écoles parmi eux, de prêcher l'Evangile, de faire usage de tous les moyens d'instruction, non seulement sans aucune opposition, mais avec l'approbation la plus cordiale des évêques et des prêtres ; les ecclésiastiques de l'ordre le plus élevé regardent comme un honneur d'aider les missionnaires dans leurs travaux évangéliques.


M. Grant fait remarquer qu'ils sont considérés par les juifs répandus dans le pays, comme les descendants des Israëlites, -qu'ils parlent la même langue que ces juifs [ndlr – l’araméen], - qu'ils se nomment eux-mêmes « bénis d'Israël » [ndlr – sans doute dans un sens chrétien], - qu'ils pratiquent des rites dont l'origine est évidemment judaïque [ndlr – les judéo-chrétiens des premiers siècles conservèrent les pratiques juives]. Ainsi, quoiqu'ils professent que par la seule oblation de Christ, l'agneau de Dieu, pour les péchés de son peuple, tous les sacrifices qui la préfiguraient ont été abolis, ils pensent cependant que les offrandes volontaires, nommées communément "sacrifices de prospérité", peuvent encore être présentées. Quand ils veulent exprimer leur gratitude pour la délivrance d'une maladie, ils conduisent et immolent une victime à la porte de l'église, et répandent une partie du sang sur le linteau et les poteaux ; l'épaule droite de l'animal immolé appartient au prêtre officiant, ainsi que la peau. Qui ne reconnaîtrait dans ces usages la loi lévitique ?

 

Mais la conformité ne s'arrête pas là. La victime est mangée par le sacrifiant et par ses amis, quelquefois il en est envoyé une portion aux familles du village, spécialement aux pauvres, et l'usage veut qu'elle soit mangée tout entière le jour même où elle a été offerte. Les nestoriens ont aussi conservé le voeu du naziréat, l'offrande des premiers fruits de leurs champs et de leurs troupeaux. Ils gardent le jour de repos plus rigoureusement que ne le font les autres chrétiens de l'Orient. Autrefois ils auraient puni de mort quiconque eût voyagé ou travaillé ce jour-là, et quoiqu'ils soient devenus moins sévères par leurs relations avec les autres Eglises, ils ne se permettraient pas, pour la plupart, d'allumer du feu le dimanche.


Ils ont dans leurs églises une partie nommée le lieu saint, où les seuls prêtres peuvent entrer, et une autre appelée le saint des saints.


Comme chez les juifs on était souillé par l'attouchement d'un mort, il en est de même chez les nestoriens; quoiqu'ils considèrent les chrétiens comme sanctifiés par le baptême, de telle sorte qu'on ne contracte pas d'impureté en touchant leurs corps, ils ne s'en purifient pas moins après avoir assisté à des funérailles. »

 
Le missionnaire protestant américain Ashael Grant arriva dans les montagnes assyriennes dès 1835 (cf. A. Grant "The Nestorians or the lost tribes" New-York, 1841, trad. française 1843). L'ouvrage de Grant est actuellement cité par les Assyriens eux-mêmes comme un témoignage précieux, car ancien, de leur vie en Hakkiari. Par contre, les missions acculturatrices protestantes et anglicanes (XIXe siècle), russes orthodoxes (début XXe) et catholiques (dès le XVIe avec constitution d'une Eglise uniate majoritaire en plaine : l'Eglise chaldéenne) sont sévèrement critiquées par eux.

fin

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 18:51

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M. Jas : est-ce que votre mère vous parlait du pays ?
K. Elloff : fréquemment, elle nous parlait à la fois des épisodes terribles que notre peuple a vécus et de la vie heureuse et confortable qu'elle avait connue en Perse auprès de ses parents. De ce que l'on m'a transmis, il me reste quelques flashs : la vision de troupeaux de moutons dans les hautes montagnes, le naphte (ou pétrole brut) que les paysans ramassaient pour se chauffer, et la description des fêtes folkloriques. Mais pour ma mère à Saint-Jory, après la mort prématurée de mon père, ce fut très difficile...
M. Jas : et puis il y eut la Deuxième guerre mondiale.
K. Elloff : pendant la guerre nous avons caché au château des arméniens et des juifs. Mon frère David a été interné au camp du Vernet car les Allemands l'avaient pris pour un juif.
M. Jas : croyez-vous qu'un retour en Hakkiari soit possible ?


eglise assyrienne irak

chrétiens de l'Eglise assyrienne en Irak. Archives familiales

 

K. Elloff : depuis 400 ans avant Jésus Christ nous n'avons plus de pays [ndlr – sans doute allusion à l’arrivée d’Alexandre le Grand qui, en 331, par la victoire d’Arbèles, met fin à l’empire perse]. Si nous avons conservé non seulement le langage mais surtout l'écriture, c'est parce que nous sommes restés dans nos montagnes et nos territoires. Au XXe siècle, on crée des réserves pour protéger les Indiens qui parfois ne sont qu'une poignée. Faut-il que nous autres chrétiens d'Orient soyons tous exterminés pour que le monde entier prenne enfin conscience de notre existence ?
Les Alliés avaient proposé à mon père de nous donner des territoires en Argentine afin d'installer toutes les tribus assyriennes. Il refusa, déclarant que son peuple était le peuple des deux fleuves "Bet-Nahraïn". En désespoir de cause il réclamait que l'on nous donne pour le moins le village de Van (près de l'Arménie turque) où nous nous serions installés.
M. Jas : vous êtes parmi les vaincus de l'histoire...
K. Elloff : aujourd'hui les fils ou petits-fils d'Assyriens en France sont ou seront bientôt totalement assimilés. C'est peut-être mieux à cause de la situation toujours conflictuelle au Moyen-Orient... Je pense au voyage touristique que j'ai fait en Turquie orientale en 1989. J'avais demandé à un guide de me rechercher des chrétiens, « si vous venez en France, je ferai mon possible pour vous présenter des Turcs » lui avais-je dit. Mais les visages des gens là-bas s'assombrissaient quand je leur parlais des chrétiens. Mon guide m'a dit une parole qui m'a beaucoup chagriné : « sur votre carte d'identité il y a votre nom, la date de votre naissance et votre taille, chez nous il y a le nom, la date de naissance et la religion ». J'ai tout de suite compris.
A Diarbakir près de la frontière syrienne j'ai entendu depuis la rue de la musique assyrienne. J'en suis sûr ! Les guides nous faisaient visiter les ruines des églises du IVe siècle mais se fermaient totalement au dialogue quand il s'agissait de l'époque moderne.
M. Jas : volontairement ou involontairement ignorée, votre cause devrait être entendue.
K. Elloff : il faut penser aux Arméniens aussi.
M. Jas : je suis personnellement gêné par votre appellation d' "Assyrien ". On pense tout de suite à Assurbanipal un des plus sanguinaires souverains de l'Antiquité ! [ndlr – Il y eut vers 1100 av. J.-C. une hégémonie assyrienne en Mésopotamie avec Téglat-Phalasar 1er, puis un réveil assyrien avec Assurnasirpal II, 883-859 ; enfin un empire avec Assurbanipal, 669- v. 627 av., lequel conquit l’Egypte, soumit Babylone et détruisit l’empire Elamite] Vous méritez mieux que cela. Au XIX e siècle, les missionnaires protestants vous identifiaient aux descendants des juifs de Babylone. Vous savez, la fameuse quête mythique des tribus israélites perdues !
K. Elloff : les juifs du Kurdistan qui parlaient la même langue que nous, étaient compris par nos pères comme une tribu juive, assyrienne comme nous, à côté des autres tribus (chrétiennes) du Hakkiari telles que les Bàz (mon père était de la tribu Baz), Djello, Tiara ou Ourmiah.
M. Jas : je pense à tout ce passé englouti...Quand Marco Polo visita la Chine il découvrit des Eglises chrétiennes nestoriennes ...
K. Elloff : nous ne devons pas non plus oublier que Jésus parlait l'araméen, notre langue ! .

à suivre ...

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 18:26

suite de l'article précédent  ...

 

M. Jas : mais quelle était l'attitude de vos parents sur le plan religieux ?
K. Elloff : je n'ai pas connu mon père qui est mort à Saint-Jory alors que j'avais 8 mois. Je sais qu'il était très religieux. Il lisait sa bible. Ma mère nous disait que nous étions protestants.
M. Jas : pas d'images dans les églises et pas de culte rendu à Marie chez les nestoriens, donc certainement une proximité a priori avec les protestants.
K. Elloff : peut-être que ma mère gardait tout simplement le souvenir des missionnaires protestants et anglicans qui ont beaucoup fait au XIXe siècle pour notre petite Eglise. Les missionnaires catholiques, eux, soutenaient les chaldéens de la plaine.
A Saint-Jory quand nous étions enfants, nous devions lire un verset de la Bible en français tous les jours. Ma mère y tenait beaucoup. Elle, elle suivait dans sa bible syriaque. Le pasteur Lagier venait de Toulouse pour nous rendre visite et faire notre catéchisme à domicile.
M. Jas : votre neveu Alain Cazes est connu par les amis de notre Eglise secteur Côte Pavée.
 eglise assyrienne mar dinkah IVK. Elloff : oui, la mère d'Alain qui était notre soeur aînée, avait collecté chez les paroissiens de ce quartier pour la construction du temple de la Côte Pavée... C'est elle aussi qui a brodé les accoudoirs en coussin de la chaire du temple du Salin.
M. Jas : votre frère David disait qu'il avait demandé au patriarche assyrien, qui est réfugié politique aux Etats-Unis, un prêtre nestorien pour la France, mais cela n'avait pas été possible.
K. Elloff : le patriarche Mar Dinkla IV est venu lui-même à Saint-Jory dans les années 70. Mais nous sommes trop peu nombreux pour constituer une paroisse assyrienne autonome. Nous avons par contre des contacts fraternels avec les prêtres chaldéens de Paris, Montpellier et Marseille. Quand nos parents sont venus en France comme réfugiés politiques, d'abord à Marseille en 1920, puis quatre ans après à Toulouse-Saint Jory, plusieurs familles les ont accompagnés. La plupart ont aujourd'hui rejoint la diaspora américaine et canadienne.
M. Jas : je crois qu'ils sont là-bas aussi nombreux que les Arméniens en France le long de la vallée du Rhône.
K. Elloff : à Chicago, où réside Mar Dinkha IV, il y a tout un quartier assyrien avec des écoles, des restaurants, des églises. Ils ont leur propre radio et une chaîne de télévision.

à suivre ...

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 15:02

« UNE HISTOIRE TRAGIQUE, UN PEUPLE ETRANGE, UNE RELIGION MECONNUE » - Dans le grand Sud-Ouest quelques familles à Saint-Jory, au nord de Toulouse se souviennent de l'identité religieuse de leurs ancêtres, de leurs luttes, leurs échecs et émigration... Des chrétiens venus d'Asie ! - par Michel Jas, pasteur de l’Eglise réformée de France (ERF) paru dans la revue protestante ENSEMBLE, n°68/ JANVIER 1992, rubrique « Eglises du Moyen-Orient ». Reportage reproduit dans les Etudes unitariennes avec l’autorisation de l’auteur

eglise_assyrienne__famille-a-toulouse.JPG1924 à Saint-Jory (près de Toulouse) un groupe de réfugiés « chrétiens assyriens » est accueilli par la famille du général Elloff. On aperçoit Mme et le Général en arrière plan.


A l'extérieur du village, à la lisière d'un bois de chênes, entouré par de larges prés, j'aperçois le château de mon ami Kodé' da Elloff et de sa compagne. Ma voiture passe devant un haut portail ouvert, un peu rouillé. Monsieur Elloff entouré par ses chiens de chasse m'attend. Nous nous entretenons du vide laissé depuis le décès de son frère aîné cet été ; de la nombreuse assemblée réunie au temple du Salin à l'occasion des obsèques.


K. Elloff : chez nous, le droit d'aînesse a de l'importance, David était le troisième de la famille ; moi, le huitième enfant. C'est lui qui, après le décès en 1969 de notre frère aîné Dimitri, s'était chargé de la cause de notre peuple. Dimitri avait créé, en 1960 à Toulouse, l'Association des Assyriens et amis des Assyriens (AAAA) et, en 1966 a organisé à Pau le premier congrès mondial assyrien d'où est sorti l’Alliance universelle des Assyriens (AUA). David avait repris le flambeau. Il entretenait une correspondance importante avec la diaspora assyrienne du monde entier : Etats-Unis, Australie, Suède, Allemagne, Irak, Iran, Liban, etc. Mais il nous parlait peu de ses relations et de ses démarches ; c'est pour cela qu'à Toulouse certains jeunes de notre communauté ont créé une association indépendante, ce qui nous a énormément peinés.

M. Jas : je les avais à l'époque aidés pour une demande de subvention. J'avais indiqué pour compléter le dossier pour le maire de Toulouse que la "croix occitane" avait très certainement été prise au Moyen âge par les comtes de Toulouse aux chrétiens nestoriens au moment des croisades.
K. Elloff : peu de personnes connaissent notre cause.
M. Jas : on entend parfois parler de « kurdes-chrétiens », que pensez-vous de cette appellation ?


eglise_assyrienne_st-jory_chateau.JPGDevant le château de Saint-Jory. M. Kodé'da Elloff, le fils du Général. nterviewé dans ce reportage. Photo et reportage : Michel Jas


K. Elloff : mon prénom Kodé' da est kurde. Il signifie « Dieu donné » ! Mais notre langue n'est pas le kurde. L'assyrien est de l'araméen, plus précisément du syriaque oriental (araméen moderne). Nous comprenons aussi le syriaque occidental parlé au Liban et en Syrie à côté de l'arabe. C'est une question d'accent, chez eux les mots se terminent par des « o », chez nous par des « a ». Il y a une dizaine d'années à la télévision, l'émission juive du dimanche matin a présenté les juifs du Kurdistan qui ont émigré aujourd'hui près de Tel-Aviv. Eh bien, ils parlaient exactement l'assyrien : je comprenais absolument tout !
M. Jas : vous parlez donc le syriaque.
K. Elloff : l'assyrien. C'est ma langue maternelle. A Saint-Jory nous parlions l'assyrien à la maison et pratiquions le français à l'école. Ma mère, en plus de notre langue et du français, savait parler le turc et l'arménien. Elle comprenait aussi le kurde, mais sans savoir le parler.
M. Jas : j'ai lu que Tarek Aziz, ministre de Saddam Hussein, était chrétien, et comme vous assyrien.
K. Elloff : il semblerait que oui, mais je ne sais rien de plus à son sujet ; il doit appartenir à une petite communauté assyrienne de Bagdad proche du pouvoir Baas. Une minorité de la minorité en quelque sorte ! ...
M. Jas : est-ce qu'on peut savoir l'attitude des Assyriens d'Irak pendant la guerre du Golfe ?

eglise_assyrienne_st-jory_kodeda-elloff.JPG

K. Elloff : ils durent souffrir autant que les Kurdes parce qu'ils vivent dans les mêmes régions montagneuses aux frontières avec la Turquie et l'Iran et certainement davantage à cause de leur confession chrétienne... Je viens de lire que 20 000 chrétiens auraient été tués par Saddam au moment de la révolte kurde, 75 000 expulsés et près de 100 églises détruites... Les ecclésiastiques irakiens, eux, évidemment, font des déclarations modérées.
M. Jas : je suis terrifié. Les chrétiens nestoriens qui étaient nombreux au Moyen-Age puisqu'ils avaient évangélisé la Chine et l'Inde, n'étaient déjà plus que l'ombre d'eux-mêmes après leur repli en Hakkiari, puis le génocide au début du siècle.
K. Elloff : nous avons lutté aux côtés des Alliés lors de la première guerre mondiale, puis nous avons été abandonnés à nos persécuteurs quand les Occidentaux se sont retirés.
M. Jas : j'ai entendu au moment de la guerre du Golfe que les chefs kurdes avaient lancé sur leurs radios des appels à la révolte en kurde et aussi en assyrien.

 

Monsieur Kodé'da Elloff dans la salle principale du château. Photo Michel Jas.


K. Elloff : les assyriens ont plusieurs fois lutté aux côtés des indépendantistes kurdes pour la liberté dans nos montagnes ; notamment aux côtés de feu le général Barzani, père de l'actuel chef indépendantiste kurde qui lutte contre Saddam. Mais malheureusement nous n'avons jamais pu passer d'accord satisfaisant avec les Kurdes. Ils sont plus nombreux que nous et ne veulent pas reconnaître notre identité araméenne. Ils désireraient nous intégrer en tant que "Kurdes-chrétiens", ce que bien entendu nous ne pouvons pas accepter.

M. Jas : je ne comprends pas votre refus.
K. Elloff : les Kurdes nous ont tout le temps persécutés.
M. Jas : ils sont musulmans aussi.
K. Elloff : il existe une petite secte religieuse non-musulmane chez les Kurdes, des gnostiques appelés "Yézidis" ou adorateurs du Paon (les
musulmans disent "adorateurs du diable"). Nous avons accueilli chez nous, il y a cinq ou six ans, un chef Yézidi qui passait à Toulouse. Mais je ne connais pas les secrets de leur religion.
M. Jas : Parlez-nous de vos parents.
eglise_assyrienne_general_agha_petros.JPGK. Elloff : mon père, le général Agha Petros Elloff (photo jointe), était commandant en chef des forces assyro-chaldéennes (les chaldéens, majoritaires dans le pays, ce sont des Assyriens convertis au catholicisme). Au moment de la guerre 14-18, il fut contacté par les Alliés pour former une armée contre les forces turco-allemandes... Il entreprit 12 combats et remporta 12 victoires ! Je ne sais pas s'il est né dans la plaine de Mossoul, à côté des ruines de l'antique Ninive, ou plus au nord dans le Hakkiari aux confins de la Turquie, de l'Iran et de l'Irak. Nos tribus vivaient en relative autonomie dans ces montagnes très isolées avant les bouleversements coloniaux puis nationaux modernes.
Ma mère qui s'appelait Akras Zarifa est née à Ourmiah, l'actuelle ville de Rézaié en Iran. Elle était aussi d'une « bonne » famille. Mon grand' père était consul de Perse.

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 16:18

A partir de Damas, la Syrie est évangélisée et l’Euphrate est franchi au niveau royaume d’Edesse *. En 57, le roi d’Edesse, Ma’nu VI y persécute les chrétiens. Les prémisses de l’évangélisation du royaume sont attribués à Thaddée (l’un des 70 disciples de Jésus), sous le règne d’Abgar Ukama (ou le Noir).
* Sanurfa dans l'actuelle Turquie orientale, non loin de la frontière syrienne, à l’intérieur d’une boucle que l’Euphrate dessine au sortir des montagnes, à l’est de ce grand fleuve ; la ville est établie elle-même sur les rives du Daysan.


Vers 204, Agbar IX se convertit au christianisme. Le christianisme syriaque se développe autour d'Édesse et de nombreux monastères sont construits, en particulier celui "de la colline", le Torâ-dOurhoï. Une école de théologie voit le jour. Elle jouera un rôle important au sein de l'Eglise perse (nestorienne). Le Mandylion d'Edesse (lien) est attesté au milieu du IVème siècle par Eusèbe de Césarée (260-339) qui évoque à ce propos les polémiques provoquées par un nouveau culte de l'image du Christ.

Du II° au IV° siècle, le christianisme se répand lentement dans les provinces occidentales, de langue araméenne, de l’Empire perse, où il côtoie le mazdéisme (religion ancienne de la Perse attribuée au prophète Zarathoustra, datant de 1000 ans avant notre ère), le judaïsme (depuis que des Juifs y furent exilés en 721 – toujours avant notre ère - après la prise de Samarie, la capitale du royaume d’Israël, puis en 587 après la prise de Jérusalem, la capitale du petit royaume de Juda, enfin avec les déportations de 582-581) * et le manichéisme (syncrétisme d’inspiration gnostique initiée par le Perse Mani 216-276 après Jésus-Christ)
* l’empereur perse Cyrus (qui défait les Assyriens en 539) permet le retour des exilés en leur pays par un édit de 538 ; mais de nombreux juifs restent sur place, notamment à Babylone.


Une Eglise apostolique de l’Orient se constitue en Perse. En 431, elle ne suit pas les décisions du concile d’Ephèse qui a condamné la thèse du patriarche de Constantinople, Nestorius, lequel défendait la double personne, humaine et divine, du Christ (si bien que Marie est « Mère du Christ », mais non pas « Mère de Dieu »). Elle prend son autonomie sous la direction du catholicos de Séleucie-Ctésiphon (au sud de Bagdad). En 471, l’évêque de Nisibe (ville à l’est d’Edesse), Barsauma, accueille dans sa ville Narasaï, le chef de l’Ecole des Perses d’Edesse qui a été destitué pour nestorianisme. Pendant plusieurs siècles, l’Ecole de Nisibe constituera une pépinière d’hommes d’Eglise et de théologiens pour l’Eglise syrienne orientale. En 484, au concile de Bet-Lapat, la théologie de Nestorius est adoptés officiellement par l’Eglise de Perse et les autres confessions chrétiennes sont bannies par les autorités perses.


Au temps du patriarche Mar Aba Ier (540-552) le mouvement d'expansion s'intensifia et s'étendit sur toute l'Asie. Les missionnaires suivaient les voies tracées par le commerce et les itinéraires des caravanes, principalement de celles qui transportaient la soie et les épices, traversant le Turkestan et la Mongolie, jusqu’à la Chine où leur première présence est attestée dès avant la dynastie T'ang, en 520. Vers l’Ouest, les Nestoriens sont présents en Arménie, en Palestine et à Chypre. Les missionnaires partent également pour la côte Ouest de l’Inde, la région Malabar. Ces chrétiens de l’Inde, qui ont le syriaque pour langue liturgique et qui se disent évangélisés par l’apôtre Thomas, se rangeront aux côtés de l’Eglise de Perse. De là, les missionnaires traversent l’océan indien, atteignent les îles de Bornéo, à Sumatra, à Java, aux Moluques, à la Malaisie, puis remontent le long des côtes en Mer de Chine méridionale.


En 540-545, les Nestoriens sont persécutés par les Perses, et en 609-628 le catholicossat nestorien est vacant, mais les Arabes conquièrent l’Empire perse en 633. Les Nestoriens ont alors le statut de minorités tolérée que les autres « gens du Livre » ; autres chrétiens, Juifs et Sabéens (cités ainsi dans le Coran, et qui sont connus aussi comme Mandéens, puis par les Portugais comme les « Chrétiens de Saint Jean » car ils se réfèrent à Jean-Baptiste).


Leur expansion se renforce et se poursuit sous cette domination arabe, Dès la seconde moitié du VIIe siècle, les tribus tibétaines étaient touchées par l'apostolat des missionnaires de l'Église d'Orient. Le Tibet – en araméen Beth Tûptayé –, a compté au VIIIe siècle un métropolite, avec plusieurs évêques sous son autorité *
* Le patriarche Timothée Ier (728-823) fait mention des chrétiens du Tibet dans une lettre écrite aux moines du couvent de Mar Maroun, en 782. Dans celle envoyée à son ami Serge, métropolite d'Élam, il écrit en 794 : « Ces jours-ci, l'Esprit consacra un métropolite pour les Turcs ; nous en préparons un autre pour les Tibétains ».


Cette présence nestorienne en Chine, jusque dans les sphères du pouvoir, persévère jusqu’au XIV, la dynastie mongole octroyant des privilèges divers aux chrétiens nestoriens. Selon le missionnaire Jean de Plan Carpin et le savant syriaque Bar Hebraeus, l'empereur Güyük (1246-1248) fut même chrétien. Cette influence chrétienne s’étendait jusqu’en Manchourie et en Mongolie orientale où un prince chrétien mit la croix sur les étendards de son armée composée presque uniquement de chrétiens.


Nestorian-Stele_photo_1892.jpgnestorian_stele_photo_1907.jpg

 

Cette stèle fut déterrée par les Jésuites en 1623. La photo de gauche date de 1892 et celle de droite de 1907, source : Wikipedia

 

Ce christianisme était parfaitement intégré aux cultures locales. Les missionnaires conservaient l'araméen comme langue sacrée liturgique, ils admettaient les lectures et les hymnes dans la langue du pays : il existait des lectionnaires, des chants et des psautiers dans des langues d'affinités différentes, comme le hunnique, le persan, le ouïgour, le turc, le mongol, le chinois et le sogdien. L’alphabet araméen sert de langue graphique pour la transcription de langues locales. En tous cas, les peuples asiatiques ne percevaient pas ce christianisme comme une excroissance de leur corps national. En atteste la stèle de Si-ngan-fou, érigée en 781, dont l'exposé doctrinal chrétien use d'expressions bouddhistes et taoïstes susceptibles de rendre le christianisme compréhensible aux adeptes de ces religions. Des monastères furent construits. L’évêque de Chine fut érigé au rang de métropolite.

 

Nestorian-Stele_haut.jpg

 

Nestorian Stele texte syriaque

 

La stèle nestorienne de Si-ngan-fou : en haut, écriture en chinois ; en bas, une inscription en syriaque. Source : Wikipedia

 

La réaction nationaliste en Chine, qui accompagna l'arrivée au pouvoir de la dynastie des Ming (1368-1644) succédant aux Yuan, réduisit toute chance de survie de l'Église d'Orient. Les étrangers furent chassés et tout s'écroula.


Source (et pour en savoir plus) : "De Babylone à Pékin, l'expansion de l'Église nestorienne en Chine" par Joseph Yacoub, professeur de sciences politiques à l'université catholique de Lyon, sur le portail Chine Informations (lien).

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