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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 11:30

par Louis Cornu, note publiée dans les "Libres propos" de la Correspondance unitarienne du mois de février 2012, n° 112.


engrenage-logique.jpgPour aborder l’histoire de Jésus dans un esprit scientifique, aussi rigoureux que possible, il faut examiner les pièces du dossier – essentiellement les quatre évangiles – sans le moindre conditionnement idéologique (théologique), dans une attitude critique parfaitement agnostique. Il faut adopter la démarche d’un juge d’instruction, d’un enquêteur policier, qui examine toutes les dispositions présentes dans son dossier, sans parti pris – à charge et à décharge – alors même que ces dépositions se contredisent entre elles, sont incomplètes, partiales et même parfois intentionnellement inexactes. Comme le juge d’instruction d’un tel dossier, l’historien de Jésus ne doit pas renoncer, mais il doit se persuader que la vérité historique peut être atteinte en tout, au moins approchée avec une bonne plausibilité.


Dans l’affaire « Naissance du christianisme », le dossier « Jésus » peut être abordé comme l’est, de nos jours, le « dossier Un tel » dans une affaire criminelle embrouillée, examinée par des enquêteurs de police judiciaire. Dans les deux cas, les dossiers contiennent des témoignages écrits, après avoir été recueillis auprès de témoins contemporains, qui peuvent même avoir été des acteurs. Dans une affaire criminelle, ces témoignages sont des dépositions ou des comptes-rendus d’interrogatoire ; dans l’affaire Jésus, ce sont essentiellement les quatre évangiles. Dans les deux cas, c’est à partir de ces témoignages qu’une vérité historique est accessible.


Chaque témoignage forme le plus souvent un récit constitué d’un certain nombre d’éléments. Lorsqu’on examine l’un de ces témoignages écrits, l’enquêteur sait pertinemment qu’il n’a pas l’objectivité d’un constat d’huissier … et que l’un ou l’autre de ces éléments peut être totalement fictif ; que l’un ou l’autre encore peut présenter une déformation de la réalité, soit du fait du témoin, soit du fait du rédacteur de la déposition.


En recherche historienne, il n’y a guère de cas où l’enquêteur ne soit dans l’obligation d’avoir à établir une vérité objective, à partir de pièces aussi imparfaites. C’est l’objectif auquel il ne renonce pas et son approche historienne du dossier le conduit à faire une proposition cohérente qui mettra en relief les éléments certains (ou assez sûrs), signalera les éléments douteux et rejettera les éléments incohérents.


Mais même les dépositions partiales ou incomplètes, comportant des éléments fictifs ou douteux, peuvent, malgré cela, correspondre partiellement à la vérité objective. Très souvent, la vérité apparaît bien que, pour l’établir, on n’ait disposé que de documents – des dépositions – partiellement inexacts ou relativement déformants ou encore lacunaires.


L’attitude qui consisterait à rejeter totalement une déposition sous prétexte qu’elle est en partie fictive ou déformée ne relèverait pas d’une démarche scientifique en Histoire. On ne devrait pas affirmer a priori que le personnage de Jésus n’est qu’un mythe fondé essentiellement sur quatre évangiles qui ne seraient, tous, que des fictions littéraires sous le prétexte que, tous, contiennent certains éléments fictifs ou déformés.

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