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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 18:18

"La Trinité chrétienne est une triade", par Jean-Claude Barbier, article à la Une de la Correspondance unitarienne, n° 88, février 09, 4 p. (suite et fin).

Cela nous invite à une relecture de la naissance de la religion chrétienne.

Celle-ci, fut à l’origine une simple voie juive, purement interne : Jésus était Juif, ses disciples aussi. Toutefois, les judéo-chrétiens prolongèrent le sabbat, avec le dimanche, et , avec le partage du pain et du vin, effectueront un rite de communion à Jésus. Ils l’invoquent pour qu’il revienne établir son Royaume. La première prière est le " Maranatha "
(= Reviens). Au regard de la loi romaine, ils bénéficient toujours du régime spécial accordé aux Juifs. 

La première distinction s’établit lorsque des craignants en Dieu, des Gentils, viennent rejoindre les premières communautés à l’injonction de Pierre, Barnabé et Paul. C’est à Antioche où s’activent Barnabé et Paul que les Romains vont, pour la première fois, dénommer la première voie : les disciples du Christ. La Voie est désormais visible de l’extérieur et elle sort de la matrice juive du fait qu’elle est composée de plus en plus de non-Juifs (et donc de personnes qui ne sont plus protégées par l’exception juridique juive).

Lorsqu’en 68 les Juifs se révoltent contre l’occupant ; ils ne sont pas aidés par les judéo-chrétiens ni les chrétiens non juifs. Le Temple est brûlé en 70. Le Sanhédrin, réfugié à Yavné décrète l’exclusion des chrétiens (y compris des judéo-chrétiens) des synagogues. C’est la rupture. Pour les Juifs " orthodoxes ", les judéo-chrétiens de Palestine sont des " Nazoréens " (
peut-être une déformation de " Nazaréens " ? dénomination en tout cas reproduite par les Actes des apôtres et l’évangile de Jean). Les chrétiens ne sont plus couverts par les autorités juives et donc exposés face aux autorités romaines qui leur reprochent de ne pas rendre le culte à César. S’ensuivront les martyres. 

Au IIème siècle, les pharisiens d’un côté et les chrétiens de l’autres sélectionnent les textes qui feront partie de leur canon. Le Symbole des Apôtres constitue un credo beaucoup plus élaboré que celui du kérygme de la Pentecôte. Puis, les chrétiens se lanceront dans la construction d’une idéologie englobante (et non plus seulement d’un culte à Jésus) avec le dogme trinitaire qui va tout chapeauter.

Ce n’est donc ni Jésus, ni même Paul qui ont fait du message originel une nouvelle religion, mais bel et bien les artisans de la Trinité. Cette " orthodoxie ", dont le premier jalon a été établi au concile " oecuménique " de Nicée en 325, n’aura de cesse d’être consolidé par les Docteurs et les Pères de l’Eglise grecque : Athanase d’Alexandrie (vers 298-373), relayé par Basile-le-Grand (329-379) et Grégoire de Nysse (331-341) en Cappadoce, Jean-Chrisostome (344-354) né d’une famille d’Antioche, etc. Grâce à eux, le Saint-Esprit est confirmé à Constantinople en 381 comme 3ème personne à part entière de la Trinité.

Les trois Pères grecs de la Cappadoce figurant en rosace de mosaïque sur la façade de l'église orthodoxe d'Aiud (en hongrois Nagyenyed), en Transylvanie. Photo, Jean-Claude Barbier, juillet 2005.

Le christianisme, désormais allié à l’empereur romain, est une Eglise régnante sur la terre entière. Grégoire de Nyzance, affirme : "Les anges sont les ministres de la volonté de Dieu, ils sont naturellement et par communication, une force extraordinaire ; ils parcourent tous les lieux et se trouvent partout, tant par la promptitude avec laquelle ils exercent leur ministère que par la légèreté de leur nature ; les uns sont chargés de veiller sur quelques parties de l'Univers qui leur est assigné par Dieu, de qui ils dépendent en toute chose; d'autres gardent les villes et les lieux saints. Ils nous aident dans ce que nous faisons de bien".

Le culte marial va rapidement se greffer sur la Trinité : Marie est mère de Jésus et donc " mère de Dieu " puisque Jésus est Dieu. Le dogme est édicté au concile d’Ephèse en 431 et le patriarche de Constantinople, Nestorius, déposé pour avoir proposé quelle n’était seulement que la mère de Jésus – à savoir la partie humaine de la seconde personne de la Trinité ! Cette logique se continuera avec la Dormition (le corps de Marie a été élevé au ciel pour échapper à la putréfaction) et, au XIX° s., par l’Immaculée conception (qui est l’exemption du péché originel à sa propre naissance afin que l’embryon Jésus-Dieu ne soit pas, dans le ventre de sa mère, en contact avec le péché). Pourtant, cette 4ème composante, Marie Téotokos (mère de Dieu), ne constituera jamais une quaternité; elle restera à l’état d’appendice. Le trèfle de saint Patrick ne comprendra que 3 feuilles ...

Qu'importe, avec la Trinité, la Vierge Marie, les archanges et anges gardiens, la cohorte des saints, sans oublier le Diable, la chrétienté offrira suffisamment de points de repère pour avoir réponse à tout et enfermer les personnes dans un univers qui se suffira à lui-même, une énorme bulle théocratique. 

Du côté de l’hindouisme, faut-il accuser aussi la Trimoûrti de l’immobilisme social et culturel des masses populaires de l’Inde ? Au sein de cette architecture, les repères se sont multipliés, enserrant l’homme dans un véritable filet aux mailles serrées. Aujourd’hui, l’hindouisme a adopté des accents nationalistes, affirmant une tolérance interne (le polythéisme) mais rejetant les mouvements religieux " étrangers " même pour le catholicisme et l’islam qui sont pourtant anciens. Assurément, il peine à se moderniser, à se laïciser, à se rationaliser, préférant ses pesanteurs qui attirent les ferveurs du peuple et la transmission conservatrice entre les générations, ne dissociant pas la culture de la théologie.

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